Week-end, coach, spoiler... On parle tous franglais, so what?
CULTURE•A l’occasion de la Semaine de la langue française, «20 Minutes» fait le point sur la menace des termes anglais…Annabelle Laurent
Sachant que cet article a été écrit dans un open-space et sous deadline, l’auteure un peu speed attend votre feed-back... Ce franglais, c’est too much? L’anglais est partout, et cela vous rend fou. Comme l’écrivain René Etiemble, qui en 1964 dans le célèbre Parlez-vous franglais? appelait à enrayer «l’épidémie» des mots anglais. Le pauvre, s’il était avec nous aujourd’hui… A moins de voir les choses un peu autrement. A l’occasion de la Semaine de la langue française (du 14 au 22 mars), voici quelques raisons pour lesquelles dans la lutte contre le franglais, il faut sans doute être… relax.
>> PARTICIPEZ - Quelle expression «franglaise» vous sort par les yeux? On attend votre suggestion dans les commentaires ou à contribution@20minutes.fr.
Parce que c’est un peu tard
Vous voulez éradiquer tous les termes de la langue française venus de l’anglais: dites adieu à plus de 1.000 d'entre eux. Entre 12 et 14% des mots français sont d’origine étrangère, et s’ils viennent d’abord de l’anglais, l’italien nous en a donné plus de 600, le germanique ancien plus de 500, les dialectes gallo-romans plus de 400, l’arabe plus de 200 et les langues celtiques plus de 150. Le français est une langue d’accueil depuis qu'il existe, montre Henriette Walter dans L'aventure des mots français venus d'ailleurs (Robert Laffont, 2014).
Parce que tous les franglais ne sont pas à bannir (certains sont horripilants, on vous l’accorde)
L’annonce du «comeback de la sock» vous laisse pantois, comme Alain Schifres qui condense dans son livre My tailor is rich but my Français is poor (First, 2014) un échantillon de franglais ridicules? C’est qu’il y a franglais et franglais. Dans Parlez Franglais! (Lambert Lucas, 2014), réponse provocatrice au pamphlet d’Etiemble, l'angliciste Paul-Romain Larreya en distingue quatre. «Le français incontournable», d’abord: «week-end», «smartphone». «Le franglais snob» comme «why not», «dream team», «coach» ou «deadline», «quand il est très facile d’utiliser les mots français», nous explique-t-il. Le «franglais caché ou insidieux» (c’est «juste» scandaleux, une «opportunité», «je suis dévasté» (anéanti)), et enfin le «franglais made in France»: «des mots que l’on croit anglais, et que les Anglais eux-même comprennent à peine»: «caddie» (ils disent «shopping trolley» ou «cart») ou «tennisman» («tennis player»). Contre «brainstormer», «débriefer», «spoiler»: faut-il s’épuiser à lutter? Mieux vaut cibler le pire de tous, à notre humble avis: le franglais caché qui «ne fait plus sens», et est totalement «confusant» et «déceptif».
Parce que la France s’en charge pour vous
Aucun autre pays n’a mis en place un dispositif aussi élaboré pour résister aux mots anglais. Son pilier, créé deux ans après la loi Toubon (1994), est la Commission générale de terminologie et de néologie, chargée de trouver des mots français pour remplacer les mots étrangers. Comme «mot-dièse» pour «hashtag» (c'est beau) ou «livre numérique» pour «e-book» (passé dans le langage courant). Environ 300 termes sont publiés chaque année au Journal Officiel, et indexés sur le site FranceTerme. Les tout derniers: «note par points» pour «bullet-point paper» et «en flux» pour «en streaming». Vous avez vu le dernier Walking Dead en flux?
Parce que c’est une «win-win situation»
«Oh gosh, I would LOVE to have a pied-à-terre in Paris»: les Anglais aussi ont une étrange façon de parler. «Amour propre», «bon mot», «cliché», «déjà vu», «enfant terrible» sont quelques-uns des centaines de mots intégrés à la langue anglaise, qui emprunte bien plus au français qu’à l’allemand ou à l’italien, rappelle Paul-Romain Larreya. Et ce depuis mille ans, quand en 1066, la bataille d’Hastings ouvrait à Guillaume Le Conquérant le chemin de Londres et au français, langue de ceux qui détenaient le pouvoir en Angleterre, un boulevard pour envahir la langue anglaise. De quoi donner naissance à «table», «letter» ou «prison»... et nous faciliter grandement la tâche en cours d’anglais.
Parce que certains anglicismes partiront tous seuls
Les anglicismes ne sont pas éternels. La preuve: seule votre grand-mère s’enquiert de la réussite de votre surprise-party, seule votre mère a le spleen. «Kids», «darling» ou «teenagers» sont finalement sortis de l’usage commun. Espérons que «à date» ou «process» suivent le mouvement.