BD«Charlie Hebdo»: Le festival d'Angoulême a choisi son hommage après une semaine de folie

«Charlie Hebdo»: Le festival d'Angoulême a choisi son hommage après une semaine de folie

BDUn peu plus d'une semaine après l'attentat à «Charlie Hebdo», et à moins de quinze jours de l'ouverture de sa 42e édition, le Festival de la bande dessinée d'Angoulême crée un Prix de la liberté d'expression..
Olivier Mimran

Olivier Mimran

Bien qu'admirable, la décision des responsables du festival de la BD a fait grincer quelques dents. Retour sur une semaine d'initiatives diverses et de controverses, souvent dictées par l'émotion, autour de l'hommage – unanimement réclamé — que le monde de la BD souhaite rendre aux victimes et aux survivants de l'attentat.

Jeudi 8 janvier, J+1

L'organisation du festival témoigne de son émotion dans un communiqué émouvant. «Le dessin est éternel, et les dessinateurs disparus de Charlie Hebdo le seront toujours dans nos cœurs».

Le même jour, une page Facebook est ouverte par le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême (FIBD). Une semaine plus tard, elle totalise plus de 1.000 hommages de dessinateurs du monde entier!

Vendredi 9 janvier, J+2

«L'équipe organisatrice essaie d'anticiper ce qui peut et ce qui doit se passer à Angoulême en réaction au drame de Charlie Hebdo» confie à 20Minutes Franck Bondoux. Le délégué général du festival est très ému. «Nous pensons qu'il est aussi important qu'Angoulême soit un lieu d'échange et de réflexion sur la liberté d'expression, en fédérant bien au-delà du seul cadre du monde de la BD.»

Plusieurs actions sont envisagées, parmi lesquelles «une exposition réunissant des œuvres des dessinateurs de Charlie Hebdo, un concert de dessins avec l'équipe du journal et la probable création d'un Prix spécial autour de la liberté d'expression. Il pourrait s'appeler "Prix Charlie", mais c'est encore en discussion.»

En fin de journée, le FIBD et la mairie d'Angoulême déploient deux kakémonos «honorant la mémoire des victimes de Charlie Hebdo et affirmant un soutien à leurs familles» sur la façade de l'Hôtel de ville.

Lundi 12 janvier, J+5

Des dessinateurs réclament, par le biais d'un communiqué, l'attribution du Grand Prix (d'ordinaire reçu par un auteur, sur vote de ses confrères) au journal Charlie Hebdo. «Donner le Grand Prix à Charlie, c'est retrouver le journal à Angoulême en 2016, c'est donner un peu de perspective, c'est faire en sorte que, concrètement, l'élan spontané de solidarité ne s'épuise pas. Et c'est aussi l'occasion de montrer à tous qui est Charlie». Une pétition à cette fin a réuni, à ce jour, près de 3000 signatures. Pendant ce temps, le festival s'oriente plutôt vers la création d'un «Prix de la liberté d’expression».

Mardi 13 janvier, J+6

Le festival persiste et signe. «En concertation et en accord avec l’équipe de Charlie Hebdo, le Festival international de la bande dessinée a décidé de la création d’un "Prix Charlie de la liberté d’expression" qui sera attribué, lors de chaque édition du Festival, à un dessinateur dont l’œuvre incarne une forme de résistance de pensée face aux idées reçues et/ou à la censure et/ou à l’oppression. Ce Prix aura une portée internationale et concernera toute forme de dessin publié».

Joint par 20 Minutes, Gwen de Bonneval, l'un des auteurs de BD initiateurs de la pétition en faveur d'un Grand prix attribué à Charlie Hebdo, se dit «très déçu car en de telles circonstances, la moindre des choses eut été de rendre cet hommage à nos disparus. Ça n'aurait pas été grand-chose, un geste du cœur certes guidé par l'émotion, mais qui nous aurait semblé plus légitime».

Jeudi 14 janvier, J+8

La décision est actée. Le festival rendra bien un hommage aux victimes de Charlie Hebdo en instaurant un Prix pour la liberté d'expression qu'il espère voir se pérenniser. Les auteurs de BD «en ont pris acte», assure Gwen de Bonneval. Et il est, de toute façon, peu probable que quiconque ait le cœur à polémiquer lors d'une édition qui, quoiqu'il advienne, s'annonce déjà comme marquée du sceau de la tristesse.