Surprise de la rentrée littéraire: Benjamin Wood, lauréat du prix du Roman Fnac avec «Le Complexe d’Eden Bellwether»
LES INATTENDUS DE LA RENTREE (1/5)•«20 Minutes» a rencontré Benjamin Wood, lauréat britannique du Prix du Roman Fnac avec un roman à suspense bluffant, sur la frontière entre génie et folie. Il est le premier de notre série sur les auteurs inattendus de la rentrée...Annabelle Laurent
«Ce design, c’est génial, on n’a pas de livres comme ça chez nous», se réjouit Benjamin Wood face à la couverture des éditions Zulma de son roman, paru et salué par la critique deux ans plus tôt en Angleterre. Ce mardi matin, il s’apprête à recevoir le prix du Roman Fnac qui lui a été décerné. Un jury de lecteurs adhérents et de 400 libraires de l’enseigne a ouvert la saison des prix à 13h en élisant cet ambitieux et captivant roman, son premier, écrit il y a quelques années «dans une toute petite chambre, à Cambridge.»
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Eden Bellwether. Un nom dont on se souviendra longtemps. Le lecteur fait sa connaissance en même temps qu’Oscar, irrésistiblement attiré une fin d’après-midi, sur le campus de Cambridge, par la puissance de l’orgue provenant de la chapelle de King’s College. A la fin de l’office, il rencontre Iris et son frère Eden, l’organiste prodige, puis, bientôt, leur bande d’amis à laquelle il se greffe, heureux d’échapper à son quotidien d’aide-soignant dans une maison de retraite. Convaincu que la musique a le pouvoir de guérir par l’hypnose, Eden va les entraîner dans ses expériences musicales de plus en plus dangereuses tandis qu’Oscar, conscient du piège dans lequel il est tombé, tente de rapprocher Eden d’Herbert Crest, spécialiste reconnu des troubles de la personnalité…
De Jeff Buckley à la musique baroque
«J’ai tendance à être fasciné par la créativité et les personnalités d’artistes. Pour ce que je lis, ce que j’écris, j’en reviens toujours à eux», nous explique l'auteur de 33 ans. Et donc, ici, à un organiste surdoué. La musique baroque, Benjamin Wood «n’y connaissait rien», mais parce qu’il a été, plus jeune, auteur-compositeur autodidacte, il avait une envie de départ: «Ecrire sur un musicien qui se servirait de la musique pour son impact émotionnel».
Le cadre de la prestigieuse et étouffante Cambridge est venu dans un second temps, quand il s’y est installé en 2007 – sans, comme Oscar, faire partie de son élite étudiante - après un master de création littéraire (Creative Writing) au Canada. «D’un chanteur de folk, Eden est devenu un "organ scholar", et j’ai dû beaucoup me documenter», raconte Wood, dont les références musicales sont ailleurs. Il cite Elliott Smith, Nick Drake. «Ado, je voulais être Jeff Buckley. Encore aujourd’hui, son histoire me fascine complètement. Quand j’écris, je pense toujours à lui. Lui aussi a connu une phase trouble».
Cinq cent pages de suspense
Eden est-il un génie visionnaire ou un illuminé aveuglé par sa mégalomanie? Les vertus de la musicothérapie n’ont-elles pas, après tout, été prouvées par la science? Le Complexe d’Eden Bellwether se dévore comme une enquête à suspense, brillamment construite, et nourrie de réflexions, jamais tranchées, sur les limites de la science et le besoin de croire: «Je ne suis pas du tout quelqu’un de religieux, mais je ne suis pas non plus de ceux qui croient que c’est tout ce qu’il y a», confie Wood. «Le roman a été pour moi une façon de me situer. Je voulais que le lecteur fluctue entre les deux.» Pari réussi, puisque c’est précisément l’ambiguïté subtilement entretenue qui nous tient en haleine pendant, tout de même, 500 pages… Et encore, assure l’auteur, il a «beaucoup coupé!».
Cet automne, la seconde vie française du Complexe… le ramène à Eden, «mais de la meilleure des manières!»: «J’avais dû l’oublier pour me plonger dans mon second roman», explique Benjamin Wood. En mars prochain paraîtra The Ecliptic, le portrait d'une jeune peintre dans le Londres de la fin des années 1950. Une artiste, à nouveau. Aussi friande de manipulations diaboliques?
Le Complexe d'Eden Bellwether, éditions Zulma, 512 pages. Sortie le 28 août 2014.