Camille Chamoux: «Pour la génération X, la peur est partout»
INTERVIEW•A l’affiche des «Gazelles» dont elle est la co-scénariste, Camille Chamoux passe aussi sa génération au crible dans son one-woman-show réjouissant, «Née sous Giscard», au théâtre du Petit Saint-Martin jusqu’au 25 mai. Rencontre…Annabelle Laurent
«C’était mieux avant.» Oui, mais non. Camille Chamoux est de la génération X (1960-1979). Née sous Giscard, biberonnée petite aux chansons d’Anne Sylvestre, béate, ado, face à Patrick Bruel, bref, des «bases molles». Désolant, a priori… Mais cette nostalgie «nauséabonde» qui nous envoie dans les brocantes les dimanche, la comédienne s’emploie à lui tordre le cou dans son deuxième one-woman-show, passant au crible sa génération avec le même cocktail d’autodérision et de mélancolie qui fait le charme des Gazelles, récit d’une trentenaire propulsée dans le célibat, qu’elle a co-écrit. Rencontre.
C'est si terrible d'être de la génération X?
C’est la plus peureuse! Sa malédiction, c’est que la menace rôde… Vous avez découvert le sexe avec le sida et vos rêves professionnels avec la crise, vous ne vivez rien de grave mais la peur est partout donc ne faisons pas de bruit, ne rêvons pas le futur, pelotons-nous dans des vieux fauteuils clubs et le vintage!
A la fois le film et le spectacle passent au crible votre génération…
Les Gazelles se concentre sur l’aspect affectivo-sexuel, sur ce que c’est d’être coincé entre les quarantenaires et les vingtenaires qui ont la jeunesse pour elles. Dans Née sous Giscard, on est coincés entre les babyboomers qui ont eu toutes les facilités et la génération Y qui a grandi avec tous les moyens techniques et fait des vidéos Youtube à partir de 17 ans.
[Spoiler] Votre spectacle n’écarte pas la mélancolie et l’absence de «happy end» dans «Les Gazelles» a dérangé… Pourquoi, à votre avis?
Mais pour moi, dans les deux, c’est une happy end! Ça tourne autour d’une notion un peu floue qui est «putain, prenons des risques». On est vachement dans le confort, tous, que ce soit de picoler tous les soirs ou de rester dans son petit couple alors que tu baises plus… J’ai l’impression que tout le monde est un peu bloqué dans ses petits territoires connus. Dans les Gazelles, la fin suggère qu’elle est en train de vivre ce qu’il y a de mieux, la solidarité, l’amitié, le partage… Moi, ma famille, c’est mes amis. Tu te demandes toujours si t’as réussi ton boulot, ton couple, un jour tu te dis, «j’ai réussi mes amis». C’est hyper beau de découvrir ça. Et c’est nouveau, parce que nos parents se le demandaient pas, t’avais pas de réussite amicale.
«Les Gazelles» montrent les femmes très actives dans la séduction. Ce qui a valu au film d’être labellisé «féministe», mais vous ne le revendiquiez pas…
C’est juste que le point de vue est féminin et non édulcoré sur l’état des relations hommes/femmes. Mais ça été tellement pointé du doigt, en bien et en mal, que je me suis rendue compte à quel point l’équité dans le domaine n’était pas obtenue! On ne pensait pas du tout avoir fait un brûlot féministe mais on a eu que des articles là-dessus, nous on ne l’aurait jamais vendu comme ça.
Quels sont vos projets maintenant?
Comme comédienne, j’ai envie d’aller vers des artistes, qui ont un regard sur le monde qui m’intéresse. On m’a demandé vers quel rôle j’avais envie d’aller, aucune idée, je m’en fous! Comme auteur, j’ai envie d’écrire une pièce de théâtre avec Cécile Sellam, la co-auteur des Gazelles… et on avance bien avec Camille Cottin [«Connasse», sur Canal+] et Mona [Achache, réalisatrice des Gazelles] sur un projet de cinéma. Ça ne s’inspirera pas directement de nos vies mais on y met une observation très précise de notre monde.
Vous venez du théâtre classique. Cette première expérience au cinéma vous a donc envie de rempiler?
C’était extraordinaire… jusqu’à la sortie du film. T’as pas de confrontation avec le public, c’est beaucoup d’excitation et pas d’orgasme! J’ai envie de continuer mais au sens de faire du cinéma pour faire du cinéma, je m’en fous, la scène c’est ma passion, j’adore jouer Née sous Giscard, j’espère qu’il va durer longtemps, et j’en écrirai un autre…