Metz: Des clichés de paparazzis exposés au musée
PHOTOGRAPHIE•Le Centre Pompidou Metz consacre une grande exposition au phénomène et à l’esthétique des photographies de paparazzis…Benjamin Chapon
«Les paparazzis ne sont pas des artistes, cela va de soi. Mais leur pratique de la photographie sous contrainte a créé des codes esthétiques qui ont inspiré des artistes.» Clément Chéroux, conservateur au Musée d’art moderne, s’étonne de l’accusation «d’apologie des voleurs d’images» que suscite son exposition «Paparazzi!» au Centre Pompidou Metz. «Quand nous avons fait l’exposition 1917 sur l’art pendant la Première Guerre mondiale, personne ne nous a accusés de faire l’apologie de la guerre.»
Les «œuvres» des paparazzis sont analysées dans cette exposition d’un point de vue scientifique. «C’est un phénomène ancien, qui a plus d’un siècle, et qui a très largement inspiré les artistes et nos propres regards. Voilà pourquoi nous nous y sommes intéressés.»
Un certain Paparrazzo
Intelligente et très richement documentée, l’exposition du Centre Pompidou Metz est le fruit d’un travail de trois ans. «On a tamisé des centaines de milliers d’images, détaille Clément Chéroux. La première partie de l’exposition montre le métier de paparazzi, leurs façons de travailler.
Agrémenté d’authentiques œuvres d’art contemporain, ce parcours montre aussi comment le paparazzi est devenu une figure populaire, depuis le film La Dolce Vita dans lequel le nom d’un personnage, photographe de stars, est Paparrazzo, origine du nom devenu commun.
Le grand méchant paparrazzi
«Le système médiatique s’incarne dans toute sa violence dans la figure du paparazzi. On le trouve mesquin et cupide, c’est le double négatif du reporter de guerre paré de toutes les vertus de courage, détaille Clément Chéroux. Bien sûr, la réalité est plus complexe. Certains paparazzis ont été reporters de guerre, mais peu importe.»
Violence, sexisme, roueries en tous genres. La figure du chasseur d’images qui travaille «en meute» ou «en sniper» pour traquer sa «proie» n’est pas glorifiée dans cette exposition.
L’art flou
La deuxième partie du parcours montre comment l’esthétique des photos volées a infusé la production artistique du siècle. «Les artistes ont regardé ces images qui parlent de notre société. Le pop art a naturellement été le premier mouvement à s’y intéresser.»
La méthode de photo à l’insu du sujet, l’esthétique du téléobjectif ou de la surexposition, le voyeurisme et la curiosité malsaine sont autant de sujets que l’on retrouve dans les œuvres exposées.
Aux paparazzis, la patrie reconnaissante
«Elles sont moches nos photos, c’est vrai, et pourtant tout le monde les regarde, et maintenant elles sont dans un musée», plaisante Pascal Rostain. Le célèbre paparazzi était invité du Centre Pompidou Metz pour l’inauguration.
«Je n‘ai jamais fait ces photos pour faire de l’art. Mais j’ai trouvé l’idée audacieuse alors j’ai aidé les commissaires à monter l’expo comme j’ai pu. Pour moi, c’est un peu une exposition à titre posthume parce qu’entre les stars qui mettent elles-mêmes leurs photos sur Internet, le métier est mort.»
Ruines et déchets
Musée d’art contemporain, l’exposition du Centre Pompidou Metz ne va pas jusqu’au dernier développement de «l’art» de la photo people: le selfie. «Notre étude a ses limites, bien sûr, reconnaît Clément Chéroux. Ce n’est pas une thèse sur le voyeurisme, c’est une exposition d’art. Je préfère entendre ce que les artistes ont à dire de notre société plutôt que des analyses sociologiques.»
«A défaut de beauté, l’art est partout, philosophe Pascal Rostain. Avec mon ami Bruno Mouron, on a photographié le contenu des poubelles des stars. Nos photos ont été analysées par des sociologues, exposées dans des galeries d’art. Mon frère qui est archéologue m’a dit que je faisais de la rudologie, l’étude des ruines et des déchets. On travaille avec l’université du Maine maintenant. L’étude des ruines et des déchets…»