BDSan Mao, le cousin chinois de Tintin

San Mao, le cousin chinois de Tintin

BDCréée en 1935, la série dessinée la plus populaire de Chine bénéficie enfin d'une édition française...
Olivier Mimran

Olivier Mimran

«San Mao est un personnage d’une puissance poétique hors du commun, aussi intemporel qu’universel». L’assertion n’est pas extraite d’un communiqué de presse, elle émane du grand cinéaste Wong Kar Wai (In the mood for love). C’est dire combien ce gamin -vieux de bientôt 80 ans- reste l’un des «héros» les plus populaires de la littérature chinoise, tous genres confondus.

Phénomène éditorial

Créé en 1935 sous le pinceau du dessinateur de presse et caricaturiste Zhang Leping (1910-1992), San Mao est un «gosse des rues d’une dizaine d’années, débrouillard et débordant d’énergie vitale», nous confie Philippe Meyer, gérant de la librairie parisienne spécialiste de la Chine Le Phénix. «C’est une sorte de Gavroche de l’Empire du milieu», poursuit-il. Un Gavroche à la carrière impressionnante, puisqu’aussitôt né, San Mao est devenu un phénomène éditorial sans précédent.

Un lectorat pour la plupart illettré

Il faut dire que ce Lianhuanhua présentait, à l’époque, un double avantage: d’abord, son format de 4 cases qui s’intégrait facilement à la plupart des maquettes des journaux populaires de Shangaï; ensuite, la quasi-absence de dialogues qui permettait à la masse populaire, alors très majoritairement illettrée, de quand même savourer ses (més)aventures.

Personnage fondateur


Si son extrême dénuement fait aussi penser au Kid de Chaplin, San Mao (littéralement : «trois poils sur le caillou», son caractère physique marquant) évoque un autre personnage emblématique à Nicolas Finet, spécialiste des cultures asiatiques qui signe la copieuse préface de l’ouvrage : «ce garçonnet est un peu le personnage fondateur de la BD chinoise traditionnelle, il est connu de tous en Chine. Ainsi, et malgré toutes leurs différences, il a une place comparable, dans l’imaginaire chinois, à celle qu’occupe Tintin dans l’imaginaire occidental». Fait du hasard (?), Le lotus bleu –dans lequel apparait Tchang- fut publié à la même époque que les premiers récits de San Mao!

Un éclairage sur la misère

Grâce aux jeunes éditions Fei, San Mao débarque enfin en France. Voilà l’occasion de découvrir ce personnage archi populaire en Chine, dont on estime que des centaines de millions de personnes ont lu un de ses strips au moins une fois dans leur vie. «Il a même eu droit à une adaptation cinématographique en 1949, preuve de son immense succès», souligne Nicolas Finet, avant de préciser: «C’est une lecture touchante, mais aussi très éclairante sur ce qu’était la Chine –ici Shangaï- sous l’occupation japonaise, puis sous la République Populaire. La misère des classes populaires y était déjà tout à fait intolérable».

«San Mao le petit vagabond» de Zhang Leping - éditions Fei, 33€