A peine sorti, déjà attaqué. La Ballade de Rikkers Island (Le Seuil), de Régis Jauffret, était un des livres les plus attendus de la rentrée littéraire de janvier.

Aujourd'hui, Dominique Strauss-Kahn a annoncé qu'il allait poursuivre le romancier pour diffamation.

L'ancien patron du Fonds monétaire international (FMI) va également attaquer les éditions du Seuil chez qui paraît , ainsi que France Inter, où le romancier a fait la promotion de son ouvrage jeudi matin.

Réalité augmentée

La Ballade de Rikkers Island (Le Seuil) s’ouvre par une exergue: «Le Roman, c’est la réalité augmentée».

La phrase sied parfaitement à la démarche de Régis Jauffret, qui, depuis, quelques années, s’inspire de faits-divers célèbres pour en explorer les non-dits et zones d’ombres. Dans Sévère, il se mettait ainsi dans la tête de la meurtrière d’Edouard Stern. Le banquier avait été assassiné, chez lui, à Genève, par sa maîtresse, Cécile Brossard. Dans Claustria, il retraçait dans un style sidérant et impressionnant la vie recluse de la fille de Joseph Fritzl, séquestrée et violée par son père durant des années, vivant dans une cave avec ses enfants issus de l’inceste.

Un parangon de l'ultra-sexualité

Dans La Ballade de Rikkers Island (Le Seuil) DSK n’est pas nommé, mais le nom de Nafissatou Diallo, lui, est cité.

Parmi les points saillants du livre, la scène entre les deux protagonistes au Sofitel est reconstituée. Nafissatou Diallo y est montrée comme une victime de violences sexuelles, absolument pas consentante.

Tout au long du roman, le personnage masculin est présenté en parangon de l’utra-sexualité. (« Depuis sa renaissance génitale, il tutoyait sans cesse du bout du gland le bonheur»). Un priapique qui se voit comme «Un héros sexuel terrassant la frigidité protestante, vainqueur de cette mahométane sans doute manœuvrées par un groupuscule intégriste à la solde de l’Arabie Saoudite et la France aux rois érigés, aux présidents turgescents, le sacrerait imperator des poules, des coqs et des poussins déjà raides de désir au fond de leur berceau»

Histoires de jurisprudence

DSK avait été arrêté le 14 mai 2011 alors qu'il était donné favori à la présidentielle de l'année suivante. Les poursuites pénales avaient été abandonnées le 23 août 2011 en raison de doutes sur la crédibilité de Mme Diallo. La procédure civile aux Etats-Unis avait pris fin un an et demi plus tard, le 10 décembre 2012, avec la signature d'un accord financier secret.

Dans ce contexte, la plainte contre Régis Jauffret risque fort d’aboutir, la jurisprudence récente étant de plus en plus favorable à la protection de la vie privée, comme le prouve une affaire récente concernant également DSK. En 2013, la justice a imposé l’insertion d’un encart dans Belle et Bête (Stock) où la philosophe Marcela Iacub racontait sa liaison avec l’ancien directeur du FMI, et octroyé à ce dernier des dommages et intérêts.