BDRichard Corben, l'art du frisson en 3D

Richard Corben, l'art du frisson en 3D

BDAdulé au début des années 1980, le dessinateur américain Richard Corben, dont la production est de plus en plus rare, commençait à sombrer dans l'oubli. Une superbe anthologie remet enfin cet immense artiste en lumière...
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no caption - ® R. Corben & éd. Délirium
Olivier Mimran

Olivier Mimran

«Richard Corben est l'un des rares dessinateurs dont j'aimerais avoir une planche sur mon mur», déclarait déjà le français Philippe Druillet il y a 30 ans. C'est dire l'aura internationale dont bénéficiait cet illustrateur de génie, alors à l'apogée de sa production. D'autres auteurs de renom, tels Moebius, Neal Adams, Victor de la Fuente ont d'ailleurs souvent dit leur admiration pour le travail unique de ce maître de la couleur, ce perpétuel expérimentateur qui finit par «inventer» sa propre technique- souvent imitée, jamais égalée. Prévue en 2 volumes (le prochain devrait sortir en mai 2014), une admirable anthologie, en version française, rend hommage -et justice- à l'un des derniers monstres sacrés d'outre-atlantique.

La révolution par le(s) volume(s)


Aujourd'hui à la retraite, l'éditeur franco-indien Fershid Bharucha perçut, dès le début des années 1970, le potentiel d'un Corben «incroyablement créatif» qui faisait alors ses armes dans la BD undergound américaine. Il fut le premier à le publier en france et lui consacra même un livre, «Vols fantastiques», en 1981: «En une décennie, Corben, qui dessinait jour et nuit, à révolutionné l'univers de la bande dessinée. D'abord par ses traitements anatomiques, à base de musculatures vraiment excessives pour les hommes et de formes outrageusement plantureuses pour les femmes. Ensuite, et surtout, par sa science de la mise en couleurs», explique-t-il à 20 Minutes.


Huit années ultra productives

Des particularités que confirment les 22 récits qui composent ce premier volume (même si les premiers d'entre eux sont en noir et blanc). «Tous ont été réalisés durant les huit années que Corben a passées aux éditions Warren, qui publiaient des magazines pleins d'histoires d'horreur, fantastiques ou de SF, comme Eerie, Vampirella ou Creepy. Des titres cultes!», précise Fershid Bharucha. «On y perçoit bien l'évolution graphique de Corben, qui est certainement l'artiste qui a "inventé", en jouant avec des sortes de calques, la BD en 3 dimensions. Il a ajouté du volume à un médium qui s'en était toujours passé».

L'anthologie, qui compilera en tout 40 fictions scénarisées par divers auteurs de l'époque et parues entre 1970 et 1978, constitue une excellente introduction à l'oeuvre, véritablement unique, de Richard Corben. Lequel, même s'il «vit désormais un peu en ermite, au fin fond du Kansas», selon Bharucha, possède toujours un cercle de fans inconditionnels qui ne demande qu'à s'agrandir. L'immense Will Eisner (auteur du Spirit) ne disait-il pas d'ailleurs de lui que «dans les années à venir, quand l'Art séquentiel (ndr: la BD) prendra enfin sa place parmi les Arts reconnus en tant que littérature, Richard Corben sera considéré comme l'un des classiques»?

«Richard CORBEN, Anthologie vol.1» - éd. Délirium, 25 €

Les essentiels de Corben

Si la plupart de ses récits a été publiée dans le magazine Spécial USA de Fershid Bharucha, Richard Corben est surtout connu en France pour les albums sortis aux Humanoïdes associés (Den, Rolf, Ogre, Les 1001 nuits), sous l'égide de feu le magazine Métal Hurlant, et pour ses adaptations de contes de Lovecraft ou Poe. Depuis, on l'a aperçu participant au Hellboy de Mike Mignola, à Conan ou au Hellblazer de Brian Azzarello. Bonne nouvelle: les éditions Délirium projettent de prochainement publier Ragemoor, un inédit (en france) scénarisé par Jan Strnad, son complice des années 1970.