Bertrand Cantat, silence ou cacophonie médiatique

Bertrand Cantat, silence ou cacophonie médiatique

MUSIQUE – Dix ans après le meurtre de Marie Trintignant, Bertrand Cantat sort un nouvel album dont les médias ne savent pas trop comment parler…
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

Bertrand Cantat sort un album. Pas avec le groupe qui lui a apporté la gloire, Noir Désir, mais sous le nom Détroit qui réunit le chanteur et le bassiste et contrebassiste, Pascal Humbert. Pour Barclay, maison de disques du nouveau groupe et ancienne de Noir Désir, la sortie de l’album semble compliquée à gérer. Initialement prévue le 25 novembre, elle coïncidait avec la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Impossible de na pas penser à la condamnation de Bertrand Cantat pour le meurtre de Marie Trintignant.

Le malencontreux «bad buzz» qui a suivi cette annonce a forcé le label à avancer la sortie d’une semaine. «Quand on avance avec la trouille de se planter, on se plante, explique un membre de l’équipe Barclay. Il y a un malaise, c’est sûr. On marche sur des œufs depuis le début avec ce projet.»

Ni photo, ni interview

Pour autant, avec un unique clip, très sobre, cette sortie n’a fait l’objet d’aucun plan de communication. Par ailleurs, Barclay a choisi d’assurer le service minimum aux niveaux promo et marketing. Pas de photos officielles, pas de pubs, pas d’affiches. Et seuls quelques journalistes ont pu écouter l’album.



Bertrant Cantat - Droit dans le soleil HD... par france3aquitaine

Par ailleurs, fait rarissime, Bertrand Cantat ne donnera aucune interview. Surtout dans un label qui héberge des stars comme Vanessa Paradis, M ou Carla Bruni.

Avec ou sans complaisance

Il n’y a pas que Barclay qui soit embarrassé par la sortie de cet album. Dans plusieurs rédactions, le malaise divise les journalistes. Il y a ceux qui pensent qu’il ne faut plus faire de promotion pour Cantat, par respect pour la famille de Marie Trintignant. D’autres qui veulent en parler, mais sans complaisance. Et enfin ceux qui pensent qu’il convient de ne parler que de la musique et non plus des affaires judiciaires de l’auteur.

«On est plusieurs à trouver parfaitement déplacé que des mecs prêts à sucer la bite de Cantat d’admiration, puissent écrire ce qu’ils veulent sous prétexte qu’il y a une actualité musicale, explique la journaliste d’un grand quotidien. Le débat n’a pas eu lieu dans la rédaction.»

«Et si c’était ton enfant?»

Dans la rédaction d’un hebdomadaire, certains journalistes en colère ont écrit une lettre à leur direction. «Ramener cette actualité sur le plan de la souffrance intime de Cantat qui serait source de créativité, c’est nier un fait simple: tous les trois jours, une femme meurt en France sous les coups d’un homme. Cantat est une ligne de cette statistique et rien d’autre.»

Statistique qui sera absente de la plupart des chroniques musicales à paraître ces prochains jours. «Une collègue m’a demandé ce que ça me ferait si un chauffard qui aurait tué mon enfant pouvait exprimer son mal-être dans la presse, raconte un journaliste musical. Mais je ne vois pas le rapport. Moi, j’écris sur la musique et c’est tout.»

«Le débat moral est sans fin, juge Emmanuel Marolle du Parisien. On a tous un avis sur le fait que Bertrand Cantat devait ou non continuer à faire de la musique. Mais ce qui va être intéressant c’est de voir si le public va suivre