Albin Michel: «Pourquoi ne devrait-on pas couronner du Goncourt un livre qui marche?»
•CULTURE – «Au revoir là-haut» de Pierre Lemaitre a été élu lundi par l’Académie du Goncourt. C’est la première fois en dix ans qu’Albin Michel remporte la mise. Certains regrettent que soit sacré un roman qui avait déjà beaucoup de ventes...Annabelle Laurent
Lundi, à 12h45 précises, le secrétaire général de l’Académie Goncourt Didier Decoin annonçait depuis l’escalier de chez Drouant le nom tant attendu: Pierre Lemaitre. Les pronostics étaient bons: Au revoir là-haut, le grand favori, est le Goncourt 2013. Dès 17h, les premiers bandeaux rouges apparaissaient dans les librairies. Pour Albin Michel, la maison d’édition, c’est le début des réjouissances.
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Construire à Lemaitre «une image littéraire»
«Je l’ai lu en décembre dernier et j’y ai cru dès le début! jubile Florence Godfernaux, l’attachée de presse de Pierre Lemaitre, contactée par 20 Minutes. C’était pour moi un Goncourt parfait… Ce prix, je l’ai toujours rêvé!». Un «Goncourt parfait»? «Parce que c’était un gros roman populaire et bien écrit, ça collait!». Il y a un mois, Pierre Lemaitre confiait à 20 Minutes ne pas y croire à cause de son étiquette «polar». Justement, «il a fallu construire une image littéraire auprès de la presse, explique Florence Godfernaux. Ça a marché très vite, et grâce à la presse, les jurés l’ont lu très rapidement».
Coup de cœur de la presse, des libraires… depuis sa parution le 21 août dernier, Au revoir là-haut n’a cessé de grimper dans les ventes. Jeudi dernier, Albin Michel comptabilisait 113.000 tirages. Selon Edistat, quelque 35.000 exemplaires avaient été vendus au 27 octobre, contre moins de 5.000 pour Arden, le premier roman de Frédéric Verger, finalement éliminé au… 12ème tour de scrutin! Selon le récit du vote fait par l’Express, le juré Pierre Assouline aurait glissé au dernier tour que le roman de Lemaitre serait «plus vendeur» et donc bienvenu pour soulager la morosité de l’édition, ce à quoi Tahar Ben Jelloun aurait répondu: «Les chiffres ont gagné contre les lettres». Lundi, certains regrettaient que profite à un roman déjà assuré d’un beau succès l’équation magique du Goncourt: un bandeau rouge signifie 400.000 exemplaires vendus en moyenne.
Un Goncourt «fort», au-delà des 400.000 ventes?
Le Goncourt fera-t-il réellement la différence pour Albin Michel? «Oui! C’est un coup de pouce formidable. Je pense que ce sera une très grosse vente, un Goncourt fort», estime Florence Godfernaux. A tel point qu’il dépasserait les 400.000 exemplaires? «Je pense… Enfin, j’espère». «Pourquoi ne devrait-on pas couronner un livre qui marche? poursuit-elle. Ce livre est magnifique, s’il est le plus vendu de l’année, tant mieux!».
Albin Michel n’avait pas eu le Goncourt depuis dix ans (La maîtresse de Brecht, Jacques-Pierre Amette, 2003). Le jeu des répartitions entre maisons d’éditions aurait-il joué en sa faveur, l’Académie aurait-elle fait «un geste»? «Cela s’est fait sur le livre, rétorque Florence Godferneaux. Si on ne l’a pas eu avant, c’est qu’on n’avait pas forcément le livre qui correspondait. Les histoires d’éditeur qu’on raconte, les soi-disant magouilles, je n’y crois pas tellement… Tous les jurés ont très bien lu le livre».
Désormais, priorité au retirage. «Dès l’annonce, on est passé de 113.000 tirages à 250.000», explique l’attachée de presse, récompensée d’y avoir cru… jusqu’au bout. «J’avais tout préparé en cas de victoire, le cocktail, le restaurant… Sans rien dire à l’auteur, bien sûr».