BDLes prix en bande dessinée: Une valeur toute relative

Les prix en bande dessinée: Une valeur toute relative

BDDe nombreux prix permettent à quelques albums de se distinguer ponctuellement dans l'abondance de titres publiés chaque année. Mais ils bouleversent rarement la «carrière» d'une oeuvre ou de son auteur...
Olivier Mimran

Olivier Mimran

Le 30 septembre dernier, La guerre des amants de Jack Manini et Olivier Mangin (Glénat) recevait le Prix Historia de la BD historique. Quelques jours plus tôt, le prix du Clos Vougeot 2013 était décerné à Chroniques de la vigne, de Fred Bernard (Glénat). Et non, il n'y a pas que les prestigieux Fauves d'Angoulême pour distinguer oeuvres ou auteurs de BD! Mais si des Prix de tous genres sont distribués toute l'année, quels bénéfices concrets produisent-ils? Éléments de réponse avec trois auteurs concernés par la question.

C. Blain et A. Lanzac récompensés lors du 40e festival d'Angoulême (photo : J.-P. Muller - AFP)

Un moyen de s'extraire de la masse


«Un album, c'est comme un enfant. Le notre vient d'avoir son bac, mais le plus dur reste à faire dans la vie», déclare Jack Manini, récent récipiendaire du Prix Historia de la BD historique. Un constat d'une cruelle lucidité, tant il est vrai qu'un prix n'assure pas de trouver son public dans la masse ininterrompue de titres qui inondent les bacs de librairies spécialisées (5.565 pour la seule année 2012!). «Enfin, c'est déjà un bon départ», se réjouit l'auteur, «d'autant que le prix Historia est donné par des historiens et dépasse le milieu des amateurs de BD. C'est comme un bon point à l'école, la meilleure note de toute la classe!».

Sfar: «La seule question est: un prix va-t-il mettre un livre en avant?»

Joann Sfar, qui a reçu de multiples prix dans sa carrière (dont l'Essentiel Jeunesse du festival d'Angoulême 2009 pour son adaptation dessinée du Petit Prince), est un tantinet plus circonspect : «Très honnêtement, je ne suis pas un amoureux des systèmes de prix. C'est souvent absurde, et pour celui qui le reçoit, et pour ceux qui ne les ont pas. Je crois que les prix ne sont intéressants que lorsqu'ils aident à la découverte de jeunes talents». Ça ne l'empêche toutefois pas de présider actuellement le prix Landerneau de la BD (initié, sous l'égide de sa société, par le distributeur -et grand amoureux de bande dessinée- Michel-Edouard Leclerc). «L'idée, c'est que plutôt que répéter qu'on fait un classement, on se concentre sur l'idée d'être utile à un auteur», précise Joann Sfar. Avant d'ajouter: «Mais quo'n ne s'y trompe pas: un livre qui ne se serait pas vendu ne se vendra pas davantage si on le prime! Le prix que je préside a ceci de particulier qu'il y a des boutiques (Espace culturel Leclerc) qui en feront la promotion derrière. Car pour finir, c'est la seule question valable au sujet d'un prix: est ce qu'il va aider à mettre le livre en avant?».

Un feedback peu enthousiaste


Ainsi, et même si les promus y placent tous leurs espoirs, l'attribution d'un prix n'aurait, sauf rares exceptions, que peu d'effet sur un ouvrage ou ses auteurs? Le scénariste Appollo, qui reçut le Grand Prix ACBD de la Critique en 2004 (pourLa grippe coloniale), celui de La Nouvelle République pour Fantômes blancs, le Prix Jacques Lob du meilleur scénariste au festival BDBoum de Blois 2012, etc., fait part à 20 Minutes de son retour d'expérience: «Le prix de la critique m'a beaucoup aidé, parce qu'il a m'a donné confiance. Et -cerise sur le gâteau-, il est clairement venu consolider le succès de La Grippe coloniale en lui offrant une belle visibilité, notamment auprès du lectorat en dehors de la BD. Les autres prix n'ont pas eu de véritable incidence sur la carrière des livres concernés».