David Bowie s'expose en majesté à Londres
CULTURE•Une exposition qui mêle vidéos, costumes, extraits musicaux, à l'image des performances multi-supports du chanteur....Anne Kerloc'h et Benjamin Chapon
A l'inverse d'Elvis Presley ou de Michael Jackson, morts que leurs fans affirment encore en vie, David Bowie est un vivant qu'une légende urbaine annonce mort*. L'exposition de l'Albert & Victoria Museum de Londres (probablement l'un des plus beaux musées européens) accrédite cette thèse. Et démontre que la pop star mérite d'être ainsi muséifié de son vivant. Photos, costumes délirants (portés par des mannequins dont les mensurations reproduisent celles, minces à l'extrême, de Bowie du temps de Ziggy Stardust) vidéoclips… forment un parcours intuitif dans la carrière touffue de Bowie.
«Bien au-delà de la musique, il dévorait les influences et les tendances, explique Kevin Cann, archiviste et ancien assistant de Bowie. Il a toujours été curieux de mode, de maquillage, de théâtre, avide de repérer l'avant-garde, les courants culturels expérimentaux. Il en voyait le génie. Plus le temps passe et plus les Britanniques sont conscients du tribut de Bowie au monde de l'art en général.» Si Bowie a vite quitté Londres pour explorer Berlin, la Suisse, les Etats-Unis, les Londoniens sont effectivement très fiers de leur David national.
Bowie arty
«Il est plus important que les Beatles pour nous parce qu'il a cette image de vrai artiste, affirme Stewart, qui tient une boutique de souvenirs en face du Victoria & Albert Museum. Aujourd'hui, dès qu'un chanteur pop anglais a un peu de succès, les journaux l'encensent puis le démolissent le lendemain. Et ensuite, les tabloïds nous abreuvent de ses moindres faits et gestes insignifiants. Des pop stars comme Bowie, ça nous permet de prendre un peu de hauteur par rapport à ce cirque.» Kevin Cann n'est pas surpris. «Il a passé sa vie à faire des ponts entre le grand public et l'avant-garde, il captait, absorbait la création dans tous les pays et la restituait au public dans des performances scéniques et musicales incroyables.»
En cela, c'est la pop star ultime que consacre l'exposition «David Bowie is…»**, enfant de la banale middle class, ni grand chanteur ni grand musicien, qui va, au culot, synthétiser les audaces du siècle dans une forme commerciale.
Ziggy Zag dans Londres
L'exposition dit cela. Tandis que Londres toute entière dit le reste, le lien mystique entre Bowie et son peuple. «Cette ville bouillonnante a eu une influence majeure sur lui. Et lui y a laissé sa trace, explique Kevin Cann. Il a fait de Heddon Street un lieu de pélerinage du rock'n roll.» On y croise Marc et Gail, dont le restaurant donne sur la plaque commémorative désignant l'endroit où David Bowie a posé en Ziggy Stardust. «Mon mari, qui est français, ne comprend pas que Bowie ait disparu médiatiquement. Il trouve son attitude snob, explique Gail. Mais nous, Anglais, admirons plutôt sa décision. Nous rêverions tous de cela, mais notre éducation nous l'interdit. Il est over British.»