Kavinksy: «Si je n’avais pas créé ce personnage de zombie, ma musique aurait été différente»
MUSIQUE – Le musicien électro français Kavinsky, auteur de «Nightcall» sort son premier album, «Outrun». Interview…Recueilli par Joël Métreau
Vincent Belorgey - alias Kavinksy - sort son premier album, Outrun. Après une première partie des Daft Punk en 2007 et une succession d’EP, il acquiert une renommée internationale grâce à un film, Drive qui accueille son morceau Nightcall. Mais qui est Kavinsky, ce zombie dingue de voitures et de pop culture américaine?
Bonjour, l’album est attendu jusqu’aux Etats-Unis, ça vous fait plaisir?
Oui, car c’est de cette culture-là que j’ai créé mon petit personnage de Kavinsky. C’est ce qui a bercé toute mon enfance. Dès que j’allumais la télé, c’était «Starsky et Hutch», «Magnum»… Je regardais essentiellement du cinéma américain. Mes parents avaient une vidéothèque avec une trentaine de VHS, que je regardais en boucle. Les films qu’ils m’ont le plus marqué, c’est Les Dents de la mer, Rencontres du troisième type… Tous les premiers de Spielberg, qui m’ont traumatisé. Mais c’est aussi des poursuites en bagnole, celles de Bullit ou des Blues Bothers. C’est aussi des films moins matures mais que j’aime encore, comme les Goonies. Ces films m’ont tatoué de manière indélébile et ressortent quand je fais de la musique.
Kavinsky est un zombie, il compose de l’électro. Vous deviez aimer les films de John Carpenter?
Bon… Je ne les ai pas vus tout petit, sinon je serais vraiment dérangé maintenant. J’étais fasciné qu’il fasse à la fois ses films et sa musique. Avec un résultat toujours assez classe. C’est valable aussi pour les films de Dario Argento, que j’ai découvert au début des années 2000. J’ai halluciné, ça m’a fait découvrir les musiques du groupe Goblin.
Comment est né le personnage de Kavinsky?
J’avais besoin de créer une ligne conductrice pour mettre en images ma musique. Si je n’avais pas créé ce zombie, ma musique aurait été différente. Lui, c’est comme un film, un petit synopsis assez simple, calqué sur une bouillie de tous les films que j’aime, avec un héros, sa copine qu’il ne peut plus aimer, l’amour difficile… C’est quelqu’un qui a peur de ses pouvoirs, qui est juste vivant en apparence.
C’est lui qui s’exprime en intro dans l’album?
Non, mais c’est une référence au mec qu’on appelait «Hollywood God». Il faisait toutes les voix off des trailers de film. Ces voix-là de cinéma m’ont toujours fasciné. Comme un gamin un peu attardé, j’ai eu envie de faire la même chose. C’est le manager des Daft Punk, Paul Hahn, qui parle.
Vous avez d’ailleurs fait la première partie des Daft Punk en 2007…
Avant de les rencontrer, je n’avais jamais écouté leur musique. Quand j’étais jeune, je n’écoutais que du rap. Le rap m’a emmené à écouter ceux dont se servaient les mecs pour faire des samples, comme la vieille funk. Ce qui m’a donné envie d’aller écouter du jazz. Je compartimentais. Donc, je suis passé à côté de Daft Punk quand j’écoutais du rap, tout simplement parce qu’il y avait marqué punk sur la couv et que personne m’avait dit que ça n’en était pas.
Aujourd’hui, beaucoup de vos morceaux sont déjà sortis. Pourquoi un album?
Après la sortie de Drive, on m’a gentiment demandé de boucler mon album, qui était en partie prêt. Mais j’avais beaucoup de mal à le terminer. C’est pour ça que j’ai fait appel à mon ami et talentueux producteur, SebastiAn, qui m’a aidé à avoir un regard extérieur et à mettre une structure sur mon album. La partie production, c’est comme la promo, ce n’est pas ce que je préfère.
Le morceau Nightcall, sur la BO de Drive:
A propos de Drive, comment avez-vous rencontré la chanteuse Lovefoxxx pour le morceau "Nightcall"?
Ça s’est d’abord fait par Ichat, le système de messagerie Apple! Quand on a fait le morceau avec Guy Man [Guy-Manuel de Homem-Christo, la moitié des Daft Punk], on avait décidé de faire une balade, un slow, où le héros mort parle à son ancienne copine, qui a refait sa vie, et qu’il a peur de lui dire ce qu’il est devenu. Pour le dialogue entre cette meuf et le zombie, il fallait trouver une voix féminine. On a un peu galéré. Guy Man est venu vers moi, avec quelques trucs actuels, comme CSS. Je ne connaissais pas et quand j’ai trouvé la voix de Lovefoxxx classe et proche de ce que je voulais. On lui a fait faire des tests et ça a marché. Je l’ai rencontrée pour la première fois il y a seulement un an!
Sur Outrun, vous avez invité le rappeur américain Havoc, du groupe Mobb Deep. Pourquoi?
Je les aime depuis que je suis jeune. Quand j’ai voulu faire un track de rap sur cet album, je me suis tourné vers Alain Macklovitch, qui connaît bien ce milieu. L’un des deux membres de Mobb Deep était en prison pour détention d’arme… Mais Havoc a accepté, en écrivant des paroles qui parlaient de zombies et de voitures. C’était génial pour moi, dans mon trip d’ado attardé.
Vous avez également fait appel au britannique Tyson…
Oui, il a cette voix incroyable entre Tina Turner et Jermaine Jackson. Ça me convenait parce que pour le morceau First Blood, je voulais comme un générique du Flic de Beverly Hills.
Il parait que vous avez un projet avec le prochain «Grand Theft Auto». C’est une radio?
Je ne peux encore rien dessus. Rockstar [le développeur] est hyper-secret. J’étais déjà dans «GTA4», un remix de Testarossa par SebastiAn. J’étais fou que le mec de la radio prononce mon nom dans le jeu. J’étais fan de GTA, le premier, alors… être dedans! C’était comme aller voir Drive au cinéma sans savoir où est ma zique dedans. Pour «Hitman : Absolution», ils ont pris Road Game pour habiller la promo en Grande-Bretagne. Je joue de moins en moins par manque de temps. Ah là là… j’avais fermé mes rideaux pendant des mois pour jouer à GTA, sur les anciens Zelda, j’ai énormément bloqué aussi sur «Shenmue», qui était sur la Dreamcast. C’était la meilleure console au monde, je suis triste qu’elle ait disparu.
Le clip de ProtoVision: