Sean Penn, acteur engagé sur tous les fronts
CINEMA•Après la guerre en Irak, l'acteur s'attaque aux droits des homosexuels...Sandrine Cochard
Sean Penn est sans doute l’acteur qui incarne le mieux le combat. Sa filmographie est un manifeste contre la peine de mort («La dernière marche»), contre la guerre («Outrages») ou encore contre la société moderne («Into the wild»). Il revient aujourd’hui avec une nouvelle cause à défendre: celle des droits des homosexuels. Dans son dernier film, «Harvey Milk», réalisé par Gus Van Sant, l’acteur incarne en effet cet élu homosexuel du conseil municipal de San Francisco, pionner de la cause homo, qui fut assassiné en 1978. Un rôle qui lui a valu l’Oscar du meilleur acteur, en février dernier.
Enfant des années 1970
Le combat mené par Milk dans les années 1970 reste toujours d’actualité, comme le prouve le récent rejet de la «Proposition 8», qui légalisait le mariage gay. Un vote inacceptable pour l’acteur. «On m'a demandé un jour de dire quelle était la différence entre le luxe et le nécessaire, pour un être humain. Le droit à l'égalité pour tous, y compris les homosexuels, fait évidemment partie du nécessaire», a-t-il déclaré le 22 février en recevant le deuxième Oscar de sa carrière. «C'est pour cette raison que ce droit deviendra une réalité et je pense qu'à sa façon, ce film y participera.»
S’il confie avoir peu de souvenirs de l’assassinat de Milk, l’acteur, qui était encore un lycéen californien comme un autre, a baigné dans cette «époque très riche» qu’étaient les années 1970. Il a été forgé par la guerre du Vietnam, par le combat des Afro-Amércains pour les droits civiques et par la déferlante hippie idéaliste. Au point de devenir la nouvelle icône de la conscience américaine, malgré quelques moments de solitude. «Je me suis senti très seul lors de la guerre en Irak, lorsque je m’y suis publiquement opposé a-t-il confié lors de la conférence de presse consacrée à la sortie du film «Harvey Milk». Sur l’homosexualité, le silence n’est, heureusement, pas aussi assourdissant.»
Grande gueule
L’acteur n’a pas peur de dire tout haut ce que certains pensent tout bas, sans craindre de mettre sa carrière en danger. Les huit années d’administration Bush ont été celles durant lesquelles Sean Penn s’est le plus engagé. Le point culminant de son opposition à la politique étrangère du président américain a lieu en juin 2005. L’acteur effectue un séjour à Téhéran à la veille de l'élection de Mahmoud Ahmadinejad, en tant que journaliste pour le «San Francisco Chronicle». Il signe une série de cinq articles dans lesquels il dresse un portrait honnête de l'Iran, loin de l'image stéréotypée véhiculée par les médias américains.
Aujourd’hui, l’acteur est le nouveau héraut de la cause gay. Pourtant, il est venu à interpréter Harvey Milk presque par hasard. «Il n’y a aucune décision militante à la base, l’histoire de Milk comme les aspects fiction du scénario m’ont intéressé, assure-t-il d’un voix posée. Mais au fil du projet je me suis senti investi dans l’histoire de ce personnage, qui trouve de véritables échos contemporains.» L’acteur, que l’on sait lunatique, ne s’est énervé qu’une fois au cours de la conférence de présentation du film. «Je retiens surtout le gâchis de son assassinat quelques années avant l’explosion de l’épidémie de sida. Se rappelle-t-on que le président Reagan n’osait même pas prononcer le mot sida dans ses discours?, s’insurge-t-il. Beaucoup de vies auraient été sauvées si Harvey Milk avait été là car il aurait certainement modifié la politique de santé publique américaine. Lorsqu’il est mort, nous avons perdu bien plus qu’un défenseur des droits homosexuels.» Plus que la conscience de l’Amérique, Sean Penn est définitivement l’incarnation «du cinéma indépendant américain ainsi qu'un certain visage de l'Amérique qu'on aime», selon la formule de Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes qui en a fait le président de sa 61e édition, en 2008.