The Wrestler, ou la résurrection de Mickey Rourke
CINEMA•Le réalisateur, Darren Aronofsky, était présent pour une projection à Los Angeles...Philippe Berry, à Los Angeles
De notre correspondant à Los Angeles
Si Brad Pitt ou Sean Penn ne remportent pas l’Oscar du meilleur acteur en février, ce sera à cause de cet homme. Dans The Wrestler, Mickey Rourke livre une de ces performances qui prend aux tripes et au cœur. Comme ce catcheur fracassé qu’il incarne, le paria d’Hollywood a souffert dans sa chair. Et il a les cicatrices pour le prouver.
Dans le dernier film de Darren Aronofsky, qui sort mercredi aux Etats-Unis, Mickey Rourke est donc Randy The Ram (le bélier). Une ancienne gloire du catch, à moitié sourd, qui vit dans une caravane miteuse, monte sur les rings du circuit indépendant le week-end et flirte avec Marisa Tomei, magnifique en stripteaseuse délavée. «I’m an old broken down piece of meat (je suis un vieux tas de chair meurtrie)», dit-il à sa fille (Evan Rachel Wood, à fleur de peau), avec qui il essaie de recoller les morceaux.
Car même si c’est pour le show, ces lutteurs se cassent des chaises sur les reins, traversent des vitres ou se plantent des agrafes dans la peau. Les spectateurs rugissent, les corps souffrent. Ils ne survivent que shootés à la vicodine ou au démérol. Jusqu’au combat de trop pour Randy: victime d’une crise cardiaque, il se voit contraint de ranger les gants à la veille de son combat anniversaire contre l’Ayatollah.
Un minimalisme quasi documentaire
Après des débuts comme boxeur amateur, Rourke tourne avec les plus grands (Cimino, Coppola) et devient un sex-symbol quand il lèche des glaçons sur le ventre frissonnant de Kim Basinger dans 9 semaines et demi. Il brûle la chandelle par les deux bouts (boisson, caprices de star, relations tumultueuses) et touche le fond. Il ne se «respecte plus comme acteur», cherche un chemin «autodestructeur». Il tente une carrière de boxeur professionnel en 1991. Malgré un certain succès, elle le laisse surtout défiguré et il raccroche en 1995.
Aronofsky, présent à la projection lundi, confie qu’il ne voulait «personne d’autre pour le rôle». Pendant 18 mois, il tente de monter le film autour de Mickey Rourke. Les portes d’Hollywood se claquent, généralement accompagné d’un «vous êtes fou?». Il va voir en Europe, où les Français de Wild Bunch lui font une offre. «C’était impossible de faire le film avec ça», explique-t-il.
Désespéré, il tente le projet avec un nom moins problématique: Nicolas Cage. «Je ne dormais plus, je n’arrivais pas à me regarder dans la glace», dit le réalisateur de Requiem for a dream. Les mois passent, le dollar plonge. Il retourne voir Wild Bunch: «Elle tient toujours l’offre en euros?» Aronofsky a désormais Mickey Rourke (relancé par son rôle dans Sin City) et six millions de dollars: c’est cinq fois moins que son précédent (The Fountain).
Du coup il a fallu faire au minimum. Shooter en moins de deux mois (dans un New Jersey à peu près aussi chaleureux que la Flandre des frères Dardenne). Utiliser de vrais catcheurs indépendants. Et même filmer dans un supermarché avec un Mickey Rourke qui sert de véritables clients à la boucherie. Le tout filmé très prêt, caméra à l’épaule la plupart du temps. Le film en transpire l’authenticité. Randy Ram. Mickey Rourke. Les lignes se brouillent. Jusqu’au générique final.
Bruce Springsteen a composé –et donné– le titre The Wrestler pour le film et son ami Mickey Rourke. Le Boss chante:
Have you ever seen a one-legged dog making its way down the street?
If you've ever seen a one-legged dog then you've seen me
(Avez-vous déjà vu un chien tracer sa route sur une patte
Si vous avez vu un chien sur une patte, alors vous m’avez vu)