«Les Fantômes d’Ismaël» s'apprêtent à hanter la Croisette, Desplechin n'a même pas peur
FESTIVAL DE CANNES•C’est au film français « Les Fantômes d’Ismaël » qu’il revient de faire l’ouverture du Festival de Cannes, ce mercredi soir. Un honneur que son réalisateur Arnaud Desplechin assume sans pression…De notre envoyé spécial à Cannes, Stéphane Leblanc
«Il est exclu de penser que nous ferons un chef-d’œuvre ! On essaiera de faire un film vivant. » Brandissant cette réplique adressée par Truffaut à Deneuve, Arnaud Desplechin refuse de se laisser abattre par la pression que représente la projection de son film en ouverture du Festival de Cannes.
« C’est un privilège que j’attends avec appétit », rétorque Arnaud Desplechin, disert et tout sourire, prêt à défendre son film, qui sort aussi ce mercredi en salles, sans forcément prendre la mesure de l’événement et ses conséquences à venir.
D’autres Français avant lui s’en sont mordu les doigts: Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro avec La Cité des enfants perdus, hué en 1994, en savent quelque chose. Luc Besson, aussi, dans une moindre mesure car le film a bien marché, avec Le Cinquième élément en 1997. « Je pense que mon film est du côté du public, croit savoir le cinéaste. Je préfère compter en vibrations plutôt qu’en chiffres. » Ces derniers, comme l’anxiété qui les accompagne, Desplechin les laissent volontiers à son producteur, Pascal Cocheteux.
Un film vivant et même fracassant
Pour en revenir au film, Les Fantômes d’Ismaël, Desplechin a raison de prévenir que ce n’est pas un chef d’oeuvre. Mais c’est effectivement un film vivant, et même fracassant.
L’histoire elle-même donne l’impression d’avoir été brisée en mille éclats sur la tête du pauvre d’Ismaël (Mathieu Amalric, éternel alter ego du cinéaste), dans le but d’apporter des fragments de vie à ses partenaires (Charlotte Gainsbourg, l’épouse d’aujourd’hui, et Marion Cotillard, sa femme revenue d’entre les morts). Le film pétille grâce à ses actrices « qui ne cessent de se réinventer », flatte Desplechin, mais laisse toutefois l’impression d’être étrangement inabouti.
« C'est une intuition de mon producteur, qui s’est très vite rendu compte qu’il y avait en fait deux films », confie le cinéaste. Le premier, qu’il appelle sa « version originale » est celle qu’il revendique. « Elle est plus mentale, explique-t-il, l’action se passe dans la tête d’Ismaël… »
Cette « Director’s cut », comme l’appellent les Américains, n’est pas la version que l’on verra à Cannes, ni même en salles (à des rares exceptions près, au Cinéma du Panthéon et sur quelques écrans en région). Le Festival a préféré retenir la version d'exploitation, plus courte d’une vingtaine de minutes, qui met d’avantage l’accent sur le triangle amoureux. « Cette version est plus sentimentale, plus lumineuse », assure Arnaud Desplechin qui sait l’importance, à Cannes plus qu’ailleurs, d'avoir les cartes du glamour bien en mains.