JURYEnfin une palme d'or pour Pedro Almodóvar?

Festival de Cannes: Pedro Almodóvar recevra la Palme d'or pour l'attribuer au film de son choix

JURYComment le réalisateur madrilène va-t-il vivre la présidence du jury de la 70e édition du Festival de Cannes, lui qui a toujours raté la palme…
Caroline Vié

Caroline Vié

Projetez-vous le dimanche 28 mai 2017, vers 20h20. Et imaginez un peu: Pedro Almodóvar reçoit la Palme d’or en direct et en clair sur Canal +. Une charmante hôtesse la lui remet. Il verse une larme : il la veut depuis si longtemps. Il a le temps d’en éprouver le poids, de l’imaginer sienne. Quelques secondes d’éternité avant de la donner à la personne à qui elle a été décernée!

Il lui en faut du courage et de la grandeur d’âme, au cinéaste madrilène pour avoir accepté de présider le jury de la70e édition du Festival de Cannes. Il doit faire un effort supplémentaire pour sourire en remettant le trophée. Cela fait près de vingt ans qu’il le convoite sans jamais l’obtenir. 20 Minutes revient sur toutes les occasions manquées.

"Tout sur ma mère", rien pour Pedro

En 1999, il avait toutes les raisons d’y croire Pedro ! La critique encensait Tout sur ma mère. Les festivaliers étaient dithyrambiques, c’est tout juste si le cinéaste n’était pas porté en triomphe sur la Croisette ! Manque de chance, les seuls à n’avoir pas craqué pour cette belle histoire sont David Cronenberg et son jury. Ils lui préfèrent Rosetta des frères Dardenne. Pedro, qui repart avec les seuls prix de la Mise en scène et du jury œcuménique, a la rancune tenace: Trois ans plus tard, il snobe Cannes pour offrir son chef d'oeuvre Parle avec elle (2002) au Festival de Paris.

"Mauvaise éducation", pas de compétition

Quel est le point commun entre 2004 et 2017 pour Pedro Almodóvar ? Ce sont les années cannoises où il ne risque aucune déception le soir du palmarès. Il savait à quoi s’en tenir en présentantLa mauvaise éducation, histoire d’amitié sombre sur fond d’Espagne post-franquiste, en ouverture et hors compétition. Ce film méconnu mérite pourtant d’être redécouvert.

"Volver", mais pour les actrices

Deux ans plus tard, Almodóvar revient avecVolver qui veut justement dire « revenir ». Las, si le cinéaste est de retour, la Palme lui file sous le nez. Il lui faut faire contre mauvaise fortune bon cœur en voyant ses actrices - Carmen Maura, Penélope Cruz et Lola Dueñas récompensées en groupe pour leurs prestations. Le vent se lève plutôt pour Ken Loach, qui remporte la palme.

Étreintes et rêves brisés

Pas rancunier pour deux euros, le réalisateur remet le couvert avec Étreintes brisées sur le drame d’un cinéaste aveugle. Le jury d’Isabelle Huppert semble frappé de cécité devant son œuvre pourtant plébiscitée. Michael Haneke et son Ruban blanc l’emportent laissant Almodóvar donner des leçons de stoïcisme à Jacques Audiard, Grand prix du jury pour Un Prophète sur le thème « Feins d’être content alors que tu rêvais de la Palme ».

De la peau mais pas de Palme !

Malgré la présence charismatique d’Antonio Banderas, épatant en chirurgien agité du bistouri, le thriller La piel que Habito se fait coiffer au poteau par The Tree of life de Terrence Malick. On imagine Pedro Almodóvar en train de piétiner de rage, en coulisses, le prix de la Jeunesse dont il a dû se contenter.

"Julieta" ou la résignation

En 2016, Pedro Almodóvar regarde avec résignation Ken Loach prendre encore une fois le trophée pour Moi Daniel Blake. George Miller a préféré un drame social à sa belle réflexion sur l’amour maternel. C’est donc le cœur apaisé que le 28 mai 2017, il décerne la Palme d’or en gardant - qui sait ? - l’espoir que maintenant qu’il l’a eue en mains, elle se laissera définitivement apprivoiser lors d'une toute prochaine édition.