Festival de Cannes: George Miller donne la Palme d'or à un film qui ne lui ressemble pas
PALMARES•Le palmarès surprend en récompensant des films ancrés dans la réalité et très éloignés de l’univers du réalisateur…De notre envoyée spéciale à Cannes, Caroline Vié
Une règle bien définie à Cannes prétend que les présidents du Jury ne récompensent jamais des films qui ressemblent aux leurs. Rivalité ou envie de découverte ? Après David Cronenberg qui a couronné Rosetta des frères Dardenne en 1999, Tim Burton qui a palmé Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul en 2010 ou Steven Spielberg fier d’avoir distingué La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche, George Miller confirme la tendance. Il a donné la Palme d’or au bouleversant Moi, Daniel Blake de Ken Loach en lieu et place de films plus esthétiques comme Mademoiselle de Park Chan-wook, The Neon Demon de Nicolas Winding Refn ou Elle de Paul Verhoeven.
Exotiques et sans dangers
Il est certain que le combat d’un charpentier quinquagénaire contre le Pôle emploi britannique a dû sembler exotique au réalisateur de Mad Max et à son jury. Même motif, même punition pour les âpres (mais très réussis) Ma’Rosa de Brillante Mendoza et Le Client d’Asghar Farhadi (également primé pour son scénario). Il est de plus certain que Jaclyn Jose, épatante en mère courage trafiquante de drogue et Shahab Hosseini, convaincant en mari ivre de vengeance, n’iront pas piquer des rôles aux jurés Mads Mikkelsen, Kirsten Dunst, Valeria Golino et Vanessa Paradis. Le point commun entre tous les films primés est qu’ils sont ancrés dans le monde actuel et ses petits ou gros tracas.
La prime au dépaysement
Que ce soit Baccalauréat de Cristian Mungiu sur un papa roumain qui se bat pour que sa fille obtienne le précieux diplôme ou Personal Shopper d’Olivier Assayas où Kristen Stewart reçoit des SMS de son frère décédé, le dépaysement a dû être total pour le jury. Qui s’est sans doute également senti ailleurs sur les routes des Etats-Unis avec les représentants de commerce du American Honey d’Andrea Arnold (Prix du jury) ou dans la famille en crise de Juste la fin du monde de Xavier Dolan. Alors, si on est déçu par l’absence de la comédie Toni Erdmann de Maren Ade et du magnifique Aquarius de Kleber Mendonça Filho, il semble évident que le roi George M. et ses sujets ont fait preuve de personnalité dans leurs choix.