Marie, Floriane et Anne, 14, 15 et 16 ans, s’amourachent de beaux gosses et/ou flirtent avec l’homosexualité. «C’est un film sur les filles, joué et fait par des filles», résume Céline Sciamma, la réalisatrice. Mais «Naissance des pieuvres» est plus encore: il évoque la difficulté d’aimer à l’adolescence et l’impossibilité de dire le trouble qui entoure les émois des premières fois.

Trois personnages, trois situations: un triangle qui renvoie aux trois cœurs que possède la pieuvre, «ce monstre qui grandit dans notre ventre quand nous tombons amoureux, cet animal maritime qui lâche son encre en nous», explique la réalisatrice.

Le thème de «Naissance des pieuvres», les premières fois adolescentes, peut sembler rebattu. Pourtant, rien d’éculé dans ce film où règne le non-dit et où l’émotion s’agrippe sur les visages des personnages. Dès la scène d’ouverture, qui se déroule dans les vestiaires d’une piscine, on est dans un monde à part - en l’occurrence, au milieu d’une équipe de filles qui se prépare avant une performance de natation synchronisée. «C’est un sport exclusivement féminin qui s’acharne à gommer l’effort en soulignant les signes extérieurs de féminité - car il faut voir le folklore: maquillage à outrance, maillots colorés, cheveux gélatinés, raconte Céline Sciamma. En surface, les nageuses sourient, mais sous l’eau, ça s’agite. Ce sport est révélateur de ce que l’on demande aux femmes: être des combattantes de l’ombre».

La séquence où ces jeunes filles, à la fois puissantes et voluptueuses, évoluent dans l’eau, est remarquable. «A 14 ans, j’ai eu une révélation en assistant, depuis les gradins, à un spectacle de natation synchronisée, se souvient la réalisatrice. J’étais vraiment impressionnée et en sortant, je pensais avoir raté ma vie. Car face à ces filles, j’étais encore à l’état de mollusque».

Le mollusque a bien grandi. Du haut de ses 27 ans, Céline Sciamma vient de sortir de la Fémis, l’école des métiers du cinéma, pour signer ici son premier film, tiré de son scénario de fin d’études. Quelques mois plus tard, «Naissance des pieuvres» était sélectionné à Cannes pour «Un Certain regard» et remportait ensuite le prix du jury jeunesse au festival du film romantique de Cabourg.