DISPARITIONManoel de Oliveira avait tourné presque tous ses films entre 60 et 106 ans

Manoel de Oliveira avait tourné presque tous ses films entre 60 et 106 ans

DISPARITIONLe cinéaste portugais avait présenté son ultime court métrage en décembre, le jour de ses 106 ans. Manoel de Oliveira s’est éteint ce mercredi... Retour sur une vie faite de rebondissements...
Stéphane Leblanc

Stéphane Leblanc

C’est à Porto, la ville qui l’a vu naître en 1908, que le réalisateur portugais Manoel de Oliveira a tourné son dernier film et qu’il l’a présenté, le 11 décembre dernier, jour de son 106e anniversaire. Un court métrage de 19 minutes intitulé Le Vieux du Restelo (O Velho do Restelo). Dans un jardin d’immeubles d’aujourd’hui, Don Quichotte converse avec d’illustres écrivains portugais, tels Luis de Camoes, poète du XVIe siècle ou Camilo Castelo Branco, auteur du XIXe. Ils devisent de littérature, d’histoire et de la vaine quête de grandeur... On y retrouve aussi plusieurs extraits des derniers films du réalisateur. Une œuvre courte, mais aussi dense que la vie du réalisateur a été longue.



O VELHO DO RESTELO [THE OLD MAN OF BELEM] from O SOM E A FÚRIA on Vimeo.

Manoel de Oliveira s’inspirait souvent de nouvelles ou de romans, qu’il adaptait très librement. En essayant d’aller «au-delà de la littérature, car le cinéma est un art de la synthèse», disait-il. Pourtant, dans sa jeunesse, ce fan de Dreyer et de Chaplin ne se destinait pas à l’art mais au sport: la natation, l’athlétisme et surtout l’automobile qui lui a valu de remporter le Grand Prix en 1937 sur le circuit d’Estoril. Beau gosse, il a même fait l’acteur dans quelques films, son rôle de plus important restant celui de A Cançao de Lisboa, le premier film parlant portugais, en 1933. A l’époque, il avait quand même réalisé un court métrage, tourné avec une caméra offerte par son père : le documentaire Douro, travail fluvial, consacré aux activités des habitants des rives du fleuve Douro. Un des derniers films du muet.

«Tourner, c’est la façon que j'ai trouvée de me reposer»

Depuis, Manoel de Oliveira a réalisé plus de 50 films de fiction et documentaires. Son premier long-métrage, Aniki Bobo date de 1942, le second, Le Mystère du printemps, de 1953, et le troisième Le Passé et le Présent de 1972... Il expliquait à 20Minutes, quand il nous a reçu chez lui en 2009, que la dictature lui avait fait prendre beaucoup de retard dans sa carrière de cinéaste.

>> Manoel de Oliveira, retour ici en images

Trente ans durant, il ne tourna que très peu de films mais eu l'occasion de visiter de fond en comble l'Allemagne, «le pays des objectifs et des caméras», afin de perfectionner ses connaissances techniques. Depuis la chute de Salazar, en avril 1974, il n'a cessé de tourner, fougueusement, à raison d'un film par an. Presque toute son oeuvre a donc été réalisée après ses 60 ans… «La vie passe vite, je n’ai pas de temps à perdre», répétait-il, inlassablement. La retraite – ou des vacances – était inimaginable pour lui: «Tourner, c’est la façon que j'ai trouvée de me reposer.»

Il aimait la France, ses acteurs et ses actrices

Au cours de cette même journée du 11 décembre 2014, la France l'a fait grand officier de la Légion d’honneur. Car Manoel de Oliveira avait une affection particulière pour notre pays, ses acteurs et ses actrices notamment. Parmi ses meilleurs films, il a tourné Le Couvent avec Catherine Deneuve (1995), La Lettre avec Chiara Mastroianni (1999), Je rentre à la maison avec Michel Piccoli (2001).



Son ultime long métrage, Gebo et l’ombre (2012), il l’a tourné à Paris avec Michael Lonsdale, Claudia Cardinale et Jeanne Moreau.