Avec «Vie sauvage», Cédric Khan choisit la liberté
CINEMA•Dans «Vie sauvage», Cédric Kahn revient sur l'affaire Fortin, la cavale d'un père et de ses deux fils...Caroline Vié
C'est en 2009 que prit fin la cavale de Didier Fortin et de ses deux fils, Okwari et Shahi Yena. Elle avait duré onze ans comme ils le décrivent dans le livre «Hors système» (éditions JCLattès), un ouvrage dont Cédric Kahn s'est inspiré pour le magnifique Vie sauvage. On y découvre comment Fortin est parti en emmenant ses deux fils après une séparation douloureuse avec son épouse et comment il a vécu avec eux une existence semi-nomade, la fameuse «vie sauvage» qui donne son titre au film. Pour en savoir plus sur le réalisateur, on peut aussi se jeter sur Le cinéma de Cédric Kahn, le livre d'entretiens que lui a consacré Quentin Mével (10 € Independencia éditions).
Le soutien des Fortin
«Dès que j'ai entendu parler de cette histoire, j'ai su qu'il y avait matière à un film pour moi», explique Cédric Kahn qui a reçu le soutien de la famille Fortin pour un film qu'il n'aurait pas fait sans leur accord. «J'ai dit au père et à la mère que je ne prendrai pas parti. J'estime qu'il faut être deux pour faire l'amour et deux pour faire la guerre», raconte-t-il. Le réalisateur d'Une vie meilleure (2012) a choisi le point de vue des enfants pour faire partager leur expérience de fermes en communautés jusqu'à leur révolte adolescente puis leur façon de prendre fait et cause pour leur père après son arrestation. «Ils se sont d'abord montrés méfiants parce qu'ils avaient peur que je fasse un film dégueulasse ou diffamatoire. Aujourd'hui, ils viennent avec moi pour le présenter ce que je trouve bouleversant», dit le cinéaste.
Une puissante figure paternelle
Si le film ne porte aucun jugement sur ses personnages, le père des deux gamins, âgés de sept et neuf ans au début de leur aventure, est la figure centrale du récit. Charismatique, exigeant, autoritaire et aimant, cet homme intransigeant fascine et agace tour à tour. «Je le vois comme un metteur en scène, explique Cédric Kahn et j'ai même songé à le jouer moi-même puis j'ai renoncé parce que je ne me faisais pas assez confiance en tant qu'acteur et que je ne me voyais pas me supporter au montage». Il a donc choisi Mathieu Kassovitz pour camper cet insoumis. «C'est un grand acteur qui porte en lui cette rébellion, cette révolte qu'il pouvait communiquer à l'écran». Kassovitz est remarquable, face à aux bambins David Gastou et Sofiane Neveu puis à Romain Depret et Jules Ritmatic qui les incarnent adolescents.
Des choix de mise en scène forts
Cédric Khan a confronté son équipe à des conditions de tournage rudes. «On s'est tous mis en situation en partant dans des coins reculés des Cévennes qui sont notre Far West à nous», raconte Kahn. Il s'est entouré de comédiens non professionnels rencontrés sur place pour donner une vérité supplémentaire à l'expérience. «Je cherchais à capter la vivacité des comédiens et surtout celles des enfants. Cette liberté est déstabilisante pour eux car ils ont parfois peur ce qu'ils vont laisser apparaître». Le résultat est brillant. Comme les jeunes pris dans ce périple sans fin avec la police aux trousses, le spectateur est emporté au fil d'une œuvre exceptionnelle qui évite tout manichéisme. Il y a du cinéma et de l'humanité dans Vie Sauvage...