Alain Resnais, décès à 91 ans d'un cinéaste unique en son genre
CINEMA•Alain Resnais est décédé samedi soir à Paris... Retour sur la carrière de cet inventeur de formes et cinéaste unique, et ses films en cinq points...Stéphane Leblanc
Alain Resnais est mort samedi soir à Paris «entouré de sa famille», a annoncé le producteur de ses derniers films, Jean-Louis Livi. D'abord célébré pour avoir réalisé Hiroshima mon amour le cinéaste avait, quelques décennies plus tard, conquis le grand public avec On connait la chanson. Alain Resnais avait l'habitude de travailler avec une bande d'actrices et acteurs fidèles, parmi lesquels sa compagne Sabine Azéma. Agé de 91 ans, il continuait à tourner des films. Le dernier Aimer, boire et chanter a été présenté à la Berlinale en février.
Un homme engagé
Monteur de formation, élève de la première promotion de l'IDHEC, Alain Resnais a réalisé Nuit et Brouillard (1955), premier film de référence sur les camps de concentration, à l'âge de 33 ans. Travail de montage et de documentation, ce film évoque le quotidien des déportés, entre humiliation, terreur et extermination. Aux photos prises à la libération des camps, s'ajoutent des prises de vues tournées dix ans plus tard, accompagnées texte de l'écrivain français et résistant déporté Jean Cayrol, lu par Michel Bouquet. Resnais évoquera ensuite la bombe atomique dans Hiroshima mon amour (1959) et la guerre d'Algérie dans Muriel, ou le temps d'un retour (1963), mais sous l'angle de la fiction.
Un inventeur de formes
A la fin des années 1950, Alain Resnais a été propulsé tête de file du Nouveau cinéma, l'équivalent du Nouveau roman en littérature, par sa manière de remettre en cause la grammaire du cinéma classique et de déconstruire la narration linéaire. Inventeur de formes, Resnais l'était assurément. Mais, ce n'était pas un «auteur», au sens ou le revendiquait les cinéastes de la Nouvelle vague. Les histoires, il préférait les confier à d'autres. De Marguerite Duras à Alain Robbe-Grillet à ses débuts, jusqu'à Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui ou Jean-Michel Ribes ces dernières années.
Un homme de culture
Alain Resnais connaissait la chanson, pour paraphraser un de ses films les plus populaires. Ses réalisations, du côté de l'artifice et de l'imaginaire, ont emprunté à toutes les disciplines artistiques. Théâtre, musique, peinture, science, littérature et même la bande dessinée avec le délicieux I Want to go home (1989). Bien qu'expérimentale, son oeuvre a pourtant toujours été couronnée de succès, critique ou publique. Dix sept prix, dont quatre doublés meilleur film et meilleur réalisateur aux César pour Providence en 1978, Smoking/No Smoking en 1994, On connaît la chanson en 1998 et Pas sur la bouche en 2004, sans oublier quelques récompenses glanées à Cannes, Venise ou Berlin...
Un chef de troupe
Fidèle dans le travail et amateur de l'esprit de troupe, Resnais sollicitait peu ou prou les mêmes comédiens depuis trente ans et La vie est un roman (1983) : Sabine Azéma, Pierre Arditi, André Dussolier, Fanny Ardant puis Lambert Wilson et dernièrement Mathieu Amalric. Même chose pour les techniciens, du décorateur Jacques Saulnier au chef opérateur Eric Gauthier en passant par le monteur Hervé de Luze ou le compositeur Mark Snow. Et depuis son premier film en tant que réalisatrice, Le Goût des autres en 2000, l'actrice et scénariste Agnès Jaoui n'a de cesse de se réclamer de l'influence de Resnais.
Un créateur sans compromis
Malgré son succès, Alain Resnais n'a tourné qu'assez peu de films: une vingtaine en 60 ans de carrière. « Il a toujours été très difficile pour Alain de trouver le financement de ses films, racontait ainsi Sabine Azéma, lors du dernier festival de Berlin où son dernier film, Aimer, boire et chanter était présenté. Car il fait un cinéma particulier, très ambitieux». Il y a eu «des moments difficiles dans sa vie tout simplement pour gagner sa vie», a-t-elle ajouté. C'est au même moment que Jean-Louis Livi, son producteur, a tenu à préciser qu'Alain Resnais n'était pas encore à la retraite. Que le cinéaste et lui préparaient «le prochain» film, dont le script était déjà écrit. Il devait s'intituler Arrivées et départs, mais restera hélas à l'état de projet.