CINEMA«Sugar Man»: Pourquoi le succès ne faillit pas, trois mois après sa sortie

«Sugar Man»: Pourquoi le succès ne faillit pas, trois mois après sa sortie

CINEMAAvec plus de 100.000 entrées, le succès en salles du documentaire consacré à Sixto Rodriguez est «rarissime», se félicite le directeur de la distribution auprès de «20 Minutes»...
Sixto Rodriguez, héros du documentaire "Sugar Man", sorti sur les écrans français le 26 décembre. 
Sixto Rodriguez, héros du documentaire "Sugar Man", sorti sur les écrans français le 26 décembre.  - © Red Box Film
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

La success-story n’en finit pas. A l’image de son héros, le documentaire oscarisé de Malik Bendjelloul connaît un incroyable destin en salles. Un ami vient de vous recommander le film – en précisant qu’il en va de la survie de votre amitié, s’il est l’un des fans les plus extrêmes? Courez-y. C’est précisément ce bouche-à-oreille qui porte le film, depuis… trois mois déjà. Car Sugar Man est à l’affiche depuis le 26 décembre. A l’époque, seuls trois cinémas proposent le film en France. Deux à Paris, un à Lyon. La semaine dernière, la barre symbolique des 100.000 entrées (dont 70.302 parisiennes) vient d’être franchie, a annoncé son distributeur ARP Sélection. Cent mille entrées, Le monde fantastique d’Oz les atteignait mercredi 13 mars en seulement quelques heures. Mais sur 620 salles, et pour un blockbuster. Depuis ce mercredi, Sugar Man se joue dans 60 salles. Comment quelques milliers de téléspectateurs intrépides fin décembre sont-ils devenus plus de 100.000?

Bouche-à-oreille

Sixto Rodriguez. Voilà bien sûr la première réponse. L’histoire bouleversante de cet immense musicien folk - on ne vous en dira pas plus - a touché au cœur des millions de spectateurs dans le monde. «Au XXIe siècle, cet homme, que ni la gloire ni l’argent n’intéressent, passe pour un fou! Ce serait dans une fiction, on ne pourrait pas y croire. Ça renforce l’empathie pour l’homme, et augmente le capital sympathie qu’il y a autour du film», suggère Renaud Davy, le chanceux distributeur du film.

Mais un film a beau être exceptionnel, primé à Sundance, sélectionné à Deauville, encore faut-il susciter l’attention du public, souvent frileux face aux documentaires. Le 21 novembre, une avant-première est organisée à Paris, face à des professionnels et quelques people. Malik Bendjelloul est présent, mais pas seulement. A la fin du générique, apparaît sur la scène Rodriguez himself, face à 600 personnes ébahies. Un mois plus tard, le 26 décembre est le jour J. «On s’est inspirés de la sortie américaine, en misant sur une sortie réduite, pour l’évènementialiser», explique le directeur de la distribution, qui ajoute: «C’est un film qui fonctionne sur du bouche-à-oreille. Or c’est toujours mieux d’avoir vu Sugar Man dans une salle pleine, ou de dire "Je n’ai pas pu le voir, c’était complet" que de dire "Je l’ai vu, mais on était dix dans la salle".»

De trois à 60 salles

La première semaine, sur les trois salles, le film fait 6.800 entrées. Le nombre est équivalent la semaine suivante. Puis ARP Sélection étend le film aux grandes villes: Rennes, Bordeaux, Nancy, puis Marseille, Grenoble... Viendront bientôt Nice, Angers, et d’autres. «On a augmenté la diffusion au fur et à mesure, le but étant d’être au maximum de son exposition au moment des Oscars. La semaine avant la cérémonie (dimanche 24 février), le film a fait 12.000 entrées dans 40 salles. Puis l’Oscar a accentué le phénomène. Aujourd’hui le film est projeté dans 60 salles et a fait sa meilleure semaine, 15.000 entrées, la semaine dernière. Pour la 13e semaine d’exploitation! Ça n’arrive pas tous les jours», s’étonne encore Renaud Davy.

Incroyable pour un documentaire? Pas seulement. «Pour n’importe quel film, une telle tenue en salles, c’est quasiment exceptionnel, dans un contexte où la durée d’exploitation des films tend à se raccourcir, de deux à trois semaines», explique le directeur de la distribution. D’autant que le film ne fait pas que «tenir». Il séduit toujours plus: «C’est la 5e semaine consécutive où les entrées progressent. C’est rarissime», poursuit le distributeur. «Le plus dur, c’est d’imposer son film. A chacun sa stratégie, mais on se dit qu’on a bien fait de partir comme ça. Quand on restreint l’offre au départ, on crée le désir». Et qu’importe, sans doute, qu'il soit fabriqué, s’il y a un aussi beau film à la clé.