Santé en France: Sur les pesticides, «les viticulteurs sont dans le déni»
INTERVIEW•Un documentaire sur les inégalités des français face à la santé est diffusé ce lundi soir sur France 3*, abordant l'exposition aux pesticides. En Gironde, Marie-Lys Bibeyran veut changer les pratiques des «viticulteurs»...Propos recueillis par Elsa Provenzano
Marie-Lys Bibeyran se bat pour faire reconnaître le cancer dont est décédé son frère comme maladie professionnelle. Ouvrier viticole, il avait appliqué des pesticides pendant 20 ans. Militante anti-pesticides, membre de Générations futures, son combat ne s’arrête pas là. Elle veut que l’épandage des pesticides soit mieux encadré.
En mai 2014, 23 élèves d’une école de Villeneuve, dans le Blayais, ont été intoxiqués par des pesticides, appliqués à quelques mètres de leur école. La plainte de la Sepanso, qui fédère des associations environnementales, a été classée sans suite. Comment réagissez-vous ?
La Sepanso a fait appel de cette décision. C’est important que cette affaire aille devant la justice car les agriculteurs doivent comprendre qu’ils sont soumis comme les autres au respect de la réglementation. L’arrêté de septembre 2006 interdit d’appliquer des pesticides lorsque le vent souffle à une vitesse supérieure à 19 km/h afin d’éviter leur dispersion. Mais jamais personne ne contrôle les viticulteurs sur le terrain, et le classement de la plainte va dans le sens de ce laisser-aller… Eux sont totalement dans le déni.
Que demande exactement la pétition que vous avez lancée le 26 septembre dernier sur Change.org, et qui a déjà recueilli plus de 55.000 signatures ?
La pétition demande que les zones agricoles situées le long des écoles soient cultivées en bio. Ce ne serait pas une transition complète en bio pour les exploitations, ce n’est donc pas irréalisable. L’un des problèmes c’est que les instances bordelaises ne sont pas prêtes à prendre le virage, alors même que l’image des vins de Bordeaux est de plus en plus entachée par ces affaires.
La pétition demande également que les traitements se fassent en dehors de la présence des enfants. En principe, il n’y a quasiment plus de traitement sur le temps scolaire. Mais s’ils sont réalisés entre 6 h et 7 h, les enfants arrivant à l’accueil périscolaire à partir de 7 h/7 h 30, ils pénètrent alors dans un nuage de pesticides.
Que pensez-vous des haies qui vont être installées par la communauté de communes de Bourg-en-Gironde et le syndicat viticole des Côtes de Bourg en décembre, autour de 24 sites sensibles ?
Les haies n’ont jamais arrêté l’air. Une riveraine qui dispose de haies autour de son habitation a participé à l’étude Apache de Générations futures, menée sur les cheveux de personnes potentiellement exposées aux pesticides et on a retrouvé quatre résidus de pesticides cancérigènes et perturbateurs endocriniens dans les siens. Cela ne va servir à rien, à part rassurer quelques personnes, et en plus de l’argent va être gaspillé.
Comment envisagez-vous la suite de votre combat ? Que comptez vous faire de la pétition ?
Le but est de trouver un compromis pour une cohabitation sereine entre riverains et viticulteurs. A Listrac, une charte a été signée entre l’association des parents d’élèves et le viticulteur dont les vignes jouxtent l’école. Il s’est engagé à traiter en bio pendant l’absence des enfants. Cela peut se faire ailleurs.
La pétition sera remise à Ségolène Royal prochainement. Je veux mener des négociations avant la prochaine période de pulvérisations, qui commencera au printemps. Il ne faut pas que cette saison commence comme si rien ne s’était passé dans l’école de Villeneuve et celle de Preignac. Elle est aussi adressée au préfet de la Gironde. Il a pris un arrêté le 23 juin 2004 et il peut en reprendre un autre pour demander un traitement en bio des parcelles proches des lieux sensibles. En Gironde, il y a 112 communes qui ont une école située à proximité de vignes.
*20 Minutes est partenaire du documentaire diffusé lundi à 20h50 sur France 3
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