LFH: Mayonnade, l'intransigeant, qui «n'est jamais sorti avec les filles en troisième mi-temps»
HANDBALL•A deux jours de la reprise de la LFH contre Fleury, l’emblématique coach de l’UMB-B se confie sur son parcours atypique d’entraîneur…Propos recueillis par Marc Nouaux
Il est l’entraîneur de LFH (l’élite du hand féminin français) en poste depuis le plus longtemps (sept ans avec Mios-Biganos puis une saison avec l’UMB-B). Emmanuel Mayonnade, 31 ans, entraîneur de l’UMB-B est aussi le plus jeune. A deux jours de reprendre la compétition, face à Fleury (samedi à 19 h à Biganos), il évoque ce paradoxe et raconte comment il a su construire son coaching malgré son jeune âge.
On dit qu’un coach dure rarement longtemps sur un banc, or, c’est votre neuvième année consécutive…
Je pense que c’est surtout une histoire de cycle par rapport à un groupe en général. Mais chez nous, on change de groupe chaque saison. Si je pouvais ne jamais changer, très sincèrement, je ne changerai pas. Certaines joueuses que j’ai cette saison, je les garderai dix ans si je pouvais. Après, je suis conscient que neuf ans, cela fait beaucoup mais les années se suivent et ne se ressemblent pas. On ne perd jamais pour les mêmes raisons, il y a toujours quelque chose de nouveau.
Racontez-nous vos débuts d’entraîneur…
J’étais un joueur moyen de handball, je jouais à Bordeaux-Caudéran en N2 puis je me suis blessé au genou, je me suis fait opérer trois fois donc à 21 ans, j’ai dû arrêter. C’est un concours de circonstances qui m’a propulsé à la tête de l’équipe première de Mios. Mon grand-père était président et mon oncle coachait jusqu’à son décès. On avait pris un coach de l’extérieur la première année puis on m’a proposé de prendre le relais. Mais le mérite de voir le club aussi haut aujourd’hui en revient à mon oncle qui a tout fait.
Quelle légitimité aviez-vous, à seulement 23 ans?
Aucune. Ce n’était pas simple car j’avais des joueuses expérimentées et pour certaines internationales. Je n’avais aucune crédibilité, il a fallu la gagner. Des joueuses te poussent à l’excellence. Par exemple, Myriam [Borg], m’a beaucoup aidé. Elle veut toujours savoir pourquoi on fait quelque chose. Quand je préparais mes exercices, je pensais toujours à la question qu’elle allait me poser. Ma légitimité, je pense l’avoir gagné mais j’ai toujours le sentiment d’être sur un fil d’où je peux tomber à tout moment.
Comment gériez-vous les rapports avec des joueuses de votre âge?
Quand j’ai commencé, il n’y en avait qu’une de plus jeune que moi… Dans le groupe, j’ai toujours tout intellectualisé. Je ne suis jamais sorti en troisième mi-temps avec les filles. D’abord, pour moi, car cela ne m’intéresse pas de tout mélanger et aussi pour elles, car je ne veux pas être un boulet et qu’il y ait de la retenu car je suis à côté. Cela ne m’empêche pas d’offrir une bière en fin de match à celle qui veut. Mais pas plus. L’autre jour, il y avait une sortie au Parc Walibi à Agen, je n’ai pas voulu la faire, je les ai laissé entre elles.
Auriez-vous instauré la même distance si vous aviez des garçons?
Je ne sais pas, il faudrait que j’y réfléchisse mais ce n’est pas impossible. Je laisserais vivre leur truc. Disons que je ne veux pas avoir d’à priori en dehors du terrain sur ce que mes joueuses font. Avec des garçons, je pense que ce serait pareil.
Au regard de votre histoire et du contexte, on se dit que vous serez l’homme d’un seul club…
A Mios, je ne me posais jamais la question. Aujourd’hui, les choses sont plus ouvertes. Si les sollicitations arrivent, je regarderai, bien sûr. Si je sens que je n’avance plus ici, ou que l’on ne veut plus de moi, et qu’ailleurs, il y a quelque chose de mieux, pourquoi pas? Je n’ai pas de plan de carrière. Aujourd’hui, je suis très heureux, j’adore me réveiller le matin et aller préparer ma séance, voir les filles arriver les unes après les autres. Je suis assez lucide, on est en début d’année mais tous les débuts de saisons que j’ai vécues n’étaient pas aussi ensoleillés. On vit une préparation humainement extraordinaire.