Vers de nouvelles espèces cultivées en Aquitaine
ENVIRONNEMENT•Introduction de nouveaux cépages pour la vigne, remplacement de certaines cultures par d'autres plus résistantes... Les conséquences du réchauffement climatique sur les espèces cultivées seront nombreuses en Aquitaine...Mickaël Bosredon
Selon les scénarios établis par le Giec (Groupe intercontinental d’experts sur le climat), les projections font état d’une augmentation de la teneur en CO2 dans l’atmosphère, et de la température moyenne de 1,8 à 4°C au cours des prochaines décennies. Membre du Giec, Hervé Le Treut a coordonné une étude scientifique sur les impacts du réchauffement climatique sur la région Aquitaine, à la demande du conseil régional. Elle sera présentée ce mercredi.
L’Aquitaine «va être confrontée à un réchauffement systématique s’accompagnant de vagues de chaleur plus intenses, particulièrement en été, et donc de situations d’évapotranspiration des sols également plus intenses.» Plusieurs scénarios ont été étudiés, systématiquement ils montrent que «l’on obtient de 8 à 16 jours de sécheresse de plus par an, en moyenne sur 30 ans.» Ces vagues de sécheresse «n’interdisent pas des situations orageuses» et «d’autres résultats montrent aussi un accroissement possible des épisodes de pluie intense en été.»
Face à ces modifications, «toutes les plantes ne réagiront pas de la même façon» expliquent les scientifiques. Et l’augmentation des températures va accroître «la possibilité de cultiver de nouvelles espèces ou variétés dans des zones considérées jusqu’ici comme trop fraîches.»
Vers des vins «trop alcoolisés et insuffisamment acides»
L’augmentation des températures a déjà accéléré le développement de la vigne. «Depuis vingt ans, cette augmentation, combinée à des pratiques culturales particulières, a conduit à une avance de la date de maturité des raisins de 15 jours en moyenne (…) Les simulations produites dans le projet Climator permettent d’envisager pour le cépage Merlot à Bordeaux une avancée de la date de floraison et de la date des vendanges d’environ 40 jours pour la fin du siècle (…)»
De nouvelles conditions de maturation «provoqueront des déséquilibres gustatifs (vins trop alcoolisés et insuffisamment acides) ainsi qu’une modification de la composition en arômes des vins produits ; elles pourront augmenter le risque d’un vieillissement prématuré des vins, en particulier pour les vins blancs.» Pour la deuxième moitié du siècle, «l’introduction de cépages tardifs non autochtones pourrait être envisagée, comme la touriga nacional, un cépage tardif portugais.»
La culture du maïs remplacé par celle du sorgho?
Concernant le maïs, «un avancement de la date de floraison d’environ 15-20 jours est attendu pour la fin du siècle, et d’environ 15 à 30 jours pour la récolte (…) On pourrait aussi s’attendre à une diminution de rendement du maïs.» Dans le cas du blé tendre et du tournesol, «il est prévu une stabilité de rendement dans le futur proche, voire une augmentation dans le futur lointain, en raison de l’accroissement de CO2 dans l’atmosphère.»
La poursuite de la culture du maïs sous irrigation «est fortement menacée dans le Sud-Ouest à échéance variable en fonction des zones de production» concluent les scientifiques. Actuellement, «des programmes de recherche de variétés moins gourmandes en eau et plus résistantes aux fortes températures est en cours pour toutes ces espèces. Le sorgho est une culture qui a des atouts indéniables d’adaptation à la sécheresse attendue grâce à son système racinaire plus profond que celui du maïs, et son feuillage moins exubérant. Elle pourrait avantageusement remplacer la culture du maïs.»
L’Aquitaine «colonisée» par le pin méditerranéen
Parallèlement, «il est très probable que de nouveaux ravageurs puissent faire leur apparition. Ainsi, des lépidoptères, des drosophiles agents de la pourriture acide ou des cochenilles vectrices de virus, cantonnés actuellement dans les zones méditerranéennes, commenceraient leur remontée.»
Du côté des forêts, les projections à l’horizon 2100 montrent que le groupe aquitain (composé de pin maritime, chêne tauzin…) «aurait tendance à s’étendre jusqu’à la Champagne et la vallée de la Saône. L’Aquitaine serait elle-même progressivement colonisée vers 2100 sur sa façade orientale (Lot, Garonne, Dordogne) par le groupe méditerranéen (chênes et pins méditerranéens).»