Marseille: Fralib hésite entre le thé et les tuiles
ECONOMIE – Les ouvriers en lutte ont reçu ce mardi un des repreneurs potentiels, Jean-Pierre Jouve. Sibell, le projet concurrent, croit toujours en ses chances grâce au soutien des distributeurs...Mickaël Penverne
Pas de vacances pour les Fralib. Après Marseille et Aubagne, plusieurs salariés de l'usine de Gémenos sont allés ce mardi à la rencontre de la population et des touristes au marché de La Ciotat pour tenter de les sensibiliser sur leur lutte et continuer d'appeler au boycott des produits Unilever. Quelques heures plus tard, ils ont reçu la visite à l'usine, qu'ils occupent depuis 680 jours, d'un des repreneurs potentiels du site, Jean-Pierre Jouve.
Cet ancien dirigeant de Lustucru assure avoir déjà levé 15 millions d'euros pour participer au projet de SCOP (société coopérative et participative) des ouvriers. «Si en plus, les 78 salariés qui restent investissent entre 50.000 et 70.000 euros chacun, on a de quoi largement tenir», explique-t-il. L'homme d'affaires affirme pouvoir augmenter la production jusqu'à 2.000 tonnes par an et créer 30 à 60 emplois.
«Le cœur des consommateurs»
Pour convaincre le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, en charge du dossier, il n'hésite pas à titiller la corde sensible du patriotisme économique. «Après avoir bénéficié de tous les avantages fiscaux, Unilever délocalise (en Pologne, ndlr) pour des raisons de compétitivité, s'offusque-t-il. En fait, sans le dire, le groupe a la volonté de tuer les marques nationales et de promouvoir ses marques internationales (...). Mais Éléphant fait partie du patrimoine français. La marque a sa place dans le cœur des consommateurs».
Le problème, c'est qu'Unilever ne veut pas entendre parler d'une cession de sa marque. «Dans ce cas, je demande au PDG d'Unilever Monde, Paul Polman, de prendre la décision, insiste Jean-Pierre Jouve. C'est avec lui que doit négocier désormais le gouvernement». La semaine dernière, Unilever a déjà cédé pour un euro symbolique tous les équipements à la communauté urbaine de Marseille. Désormais, l'ensemble du site appartient à Marseille-Provence Métropole qui a déboursé 5,3 millions d'euros pour le terrain.
Leclerc soutient Sibell
Cette décision a bouleversé les plans de Charles Benkemoun, PDG de Sibell. Ce producteur de chips s'était mis sur les rangs pour racheter le site, avant que MPM fasse jouer son droit de préemption. «J'ai besoin de m'étendre et il n'y a pas d'autres surfaces dans la région, justifie-t-il avant de promettre la création de 150 emplois. Un de mes concurrents va ouvrir bientôt une usine en Ardèche. En fait, pour sauver Sibell, je ne peux plus rester mono-produit».
En plus des chips, Sibell souhaite désormais produire des tuiles. L'entreprise se dit soutenue dans sa démarche par plusieurs grands groupes distributeurs, comme Leclerc et Système U. Fin juin, Michel-Edouard Leclerc s'était montré, en effet, très clair sur son blog: «Nous avons été sollicités pour scénariser l’accompagnement d’un tel projet (la SCOP, ndlr). Il s’agissait d’y faire fabriquer des sachets de thé à nos marques de distributeur. Nos adhérents ne croient pas que le marché soit suffisant pour garantir l’emploi ne serait-ce que de cinquante personnes (…). Le marché des chips MDD (marque de distributeurs, ndlr) est autrement plus important que celui des sachets de thé. Nous avons convenu de regarder cela de près. Je l’ai confirmé au cabinet d’Arnaud Montebourg».