INTERVIEWLaurence Rossignol: «C'est une bataille politique d'imposer la prise en compte de l'écologie»

Laurence Rossignol: «C'est une bataille politique d'imposer la prise en compte de l'écologie»

INTERVIEWLa secrétaire nationale du Parti socialiste chargée de l'environnement prépare le sommet de Rio et nous parle de la transition énergétique en France...
Propos recueillis par Audrey Chauvet

Propos recueillis par Audrey Chauvet

Sénatrice de l'Oise, vice-présidente du conseil régional de Picardie, Laurence Rossignol est secrétaire nationale du Parti socialiste chargée de l'environnement. Et elle connaît bien son sujet: mercredi, elle présentera un rapport d'information intitulé «Rio+ 20: l'émergence d'un nouveau monde», en vue de la conférence des Nations unies en juin. Pour elle, les enjeux de Rio, notamment la définition de ce que pourrait être une «économie verte» sont au cœur des défis écologiques du nouveau gouvernement.

Vous présentez demain un rapport sur le sommet de Rio. Qu’en espérez-vous et quel rôle peut y jouer la France?

Il est important que ce sommet soit un succès, car les négociations internationales sur le climat s’enlisent. En 1992, le premier sommet de Rio a posé les fondamentaux du développement durable et cette préoccupation est entrée dans les consciences des Etats. Entre 1992 et 2012, le monde a profondément changé, notamment avec l’émergence des pays du Sud, mais les indicateurs sur le climat et l’épuisement des ressources naturelles se sont dégradés. Cette année, le sommet doit donner la direction à suivre pour passer de la prise de conscience aux actes. On attend donc de Rio qu’il dessine ce que devrait être une organisation mondiale de l’environnement car le monde a besoin d’une justice environnementale, et qu’il définisse le concept d’«économie verte», qui est loin de faire l’unanimité. Pour moi, c’est une «économie économe» en ressources naturelles et soucieuse de son empreinte environnementale. Pour que ce concept soit partagé, il faut lever l’inquiétude des pays émergents et des moins avancés qui redoutent que ce soit une façon de brider leur développement économique. Les pays industrialisés doivent montrer qu’un autre modèle de développement est possible et y entrainer les pays du sud. Rio+20 doit être le sommet de la confiance, seule manière de débloquer les négociations sur le climat. Quant à la France, elle a deux façons d’être présente: en renforçant l’Union européenne, qui peut être leader quand elle est rassemblée, et en ayant une parole forte en direction des pays émergents et moins avancés. On peut s’attendre à un discours fort de François Hollande sur le co-développement.

Le début du mandat de Nicolas Sarkozy a été marqué par le Grenelle. Y aura-t-il un engagement fort de la part de François Hollande? Que va devenir le Grenelle?

Le Grenelle s’est mal terminé à cause de la désertion et de la trahison de ses engagements par le gouvernement et Nicolas Sarkozy. Mais la gouvernance à cinq reste une bonne méthode, que l’on peut probablement élargir en ajoutant le Parlement. Le gouvernement a déjà indiqué sa feuille de route prioritaire, qui est la transition énergétique. C’est un sujet central car il est connecté à notre modèle de développement économique et industriel. Un grand débat sera lancé au cours de l’été et aboutira courant 2013 sur une loi de programmation de la transition énergétique. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et en particulier Nicole Bricq, ont là le levier de la transition environnementale et j’interprète très positivement que l’énergie soit rattachée au ministère de l’écologie. Il y aura aussi une loi sur la biodiversité un peu plus tard.

Comment va se passer l’articulation entre l’écologie et les autres ministères, particulièrement l’agriculture, où les enjeux environnementaux sont nombreux, et l’économie?

C’est le sujet de Rio: l’économie verte! Ce gouvernement doit pouvoir, sous l’impulsion du ministère de l’Ecologie, donner un sens à l’économie verte. Le ministère de l’Ecologie est un ministère de transversalité, qui a besoin d’un ministre fort et présent, respecté par les autres ministères, soutenu par le Parlement, les ONG, le Premier ministre et le président de la République. C’est une bataille politique, comme pour les droits des femmes, d’imposer aux autres ministères la prise en compte de la dimension écologique.

Vous vous dites favorable à une «social-écologie», qu’est-ce que ça veut dire?

C’est l’articulation entre l’écologie et le social. Il faut dépasser l’opposition nature contre salaires, emploi contre préservation des ressources ou lutte contre la pollution… Aujourd’hui, l’égalité intègre la question de l’accès aux ressources naturelles et aux biens essentiels: l’épuisement des ressources naturelles et le renchérissement de leur prix pénalise au plan planétaire et national les plus fragiles. Si on ne fait rien, c’est la pénurie et les prix qui détermineront l’accès à l’eau et l’énergie.