Le procès en révision de Marc Machin s'invite à celui de David Sagno
La cour d'assises des Hauts-de-Seine s'est davantage consacrée ...© 2012 AFP
La cour d'assises des Hauts-de-Seine s'est davantage consacrée mardi à étayer l'innocence de Marc Machin, condamné pour le meurtre de Marie-Agnès Bedot en 2001 au Pont de Neuilly puis libéré après les aveux de David Sagno, qu'à prouver l'éventuelle culpabilité de ce dernier.
David Sagno a fermé les yeux lorsque Marc Machin, l'homme qui a purgé près de sept ans pour ce meurtre, a tenté d'expliquer les raisons qui l'ont poussé à avouer avant de se rétracter.
"J'étais dans l'incapacité de prouver mon innocence. Je tremblais comme une feuille, je n'avais que 19 ans", raconte très ému Marc Machin, entendu comme témoin. "J'étais très jeune, très immature, très sensible. Je ne savais pas ce que ça allait impliquer", confesse-t-il.
Marc Machin revient alors sur son interrogatoire par un policier de la brigade criminelle, Jean-Claude Mulès, affirmant avoir cédé à "son chantage" pour avouer le meurtre.
"Il m'a pris à part, m'a offert un chocolat chaud, un paquet de cigarettes et il m'a dit +vas-y soulage ta conscience+. Il m'a dit: +tu es un fils de gardien de la paix, on sait que tu ne voulais pas tuer cette dame, on va essayer de faire passer ça pour un homicide involontaire et on te pistonnera pour la Légion étrangère, tu ne feras que cinq ou six ans de prison+", raconte Marc Machin.
Selon lui, les policiers lui ont montré des photos de la scène du crime, lui permettant d'injecter des éléments crédibles dans ses aveux.
"Je pensais que j'allais être remis en liberté après les expertises ADN, j'ai raconté une histoire invraisemblable, montée de toutes pièces, je me suis dit qu'ils verraient forcément les incohérences", insiste Marc Machin, s'en prenant à "la crème des enquêteurs".
Grâce aux aveux tardifs de David Sagno et à des vérifications génétiques, Marc Machin avait bénéficié d'une remise en liberté en avril 2010 par la Cour de révision, qui avait annulé sa condamnation. Il doit être rejugé fin 2012.
A son tour, le procureur de Nanterre Philippe Courroye en robe d'avocat général, a démonté méthodiquement l'enquête de la brigade criminelle, poussant dans ses retranchements le commissaire Denis Collas, en charge de l'affaire.
Le témoignage d'une infirmière, qui avait emprunté le pont à la même heure que Mme Bedot, faisant état d'un homme l'ayant abordé par des propos salaces, "a orienté l'enquête", concède le policier.
Cette femme avait reconnu de façon quasi-certaine Marc Machin, fiché comme agresseur sexuel.
"Sans ce témoignage vous ne seriez jamais allé vers Marc Machin?", demande M. Courroye. "Oui, c'est vrai", répond le policier.
Au cours de sa cinquième audition, Marc Machin avoue les faits sans jamais décrire son geste. "Bien sûr, on s'est efforcé de conforter ces éléments avec des preuves", affirme Denis Collas. "Vous avez retrouvé des empreintes ? De l'ADN?", demande Philippe Courroye. Réponse négative de l'enquêteur.
Et pour cause, c'est l'ADN - la reine des preuves - de David Sagno qui sera retrouvé sous les ongles de la victime.
Sous les yeux du père de Marc Machin, Philippe Courroye porte l'estocade: "Vous pensez que Marc Machin est toujours l'auteur du meurtre?". "Ben non", souffle le policier.
"On fait un métier difficile et la vérité n'est pas toujours celle qu'on croit", regrette-t-il.
Cet avant-goût du procès en révision de Marc Machin a fortement déplu aux avocats des parties civiles qui ont choisi de quitter la salle d'audience.
"Ce n'est ni le lieu ni le moment. Ce n'est pas respectueux envers les victimes qui sont présentes pour assister au procès de David Sagno", explique l'avocate de la soeur de Mme Bedot, Me Nathalie Ganier-Raymond, convaincue que le 1er décembre 2001, Marc Machin se trouvait bien sur le pont de Neuilly.