Le géant des pesticides à terre
Justice Le tribunal correctionnel a condamné Monsanto dont les produits ont intoxiqué un agriculteurCaroline Girardon
Il ne s'y attendait pas vraiment. Paul François, céréalier en Charente, a encore du mal à réaliser que la justice ait tranché en sa faveur dans le combat qui l'opposait au géant Monsanto, fabricant de produits phytosanitaires. Hier le tribunal correctionnel de Lyon a condamné la firme américaine estimant qu'elle était responsable de l'intoxication de l'agriculteur. Après avoir inhalé des vapeurs de pesticides alors qu'il nettoyait l'une de ses cuves en 2004, Paul François, victime de malaises et d'importants troubles neurologiques, a multiplié les séjours à l'hôpital durant cinq mois. « J'accueille cette nouvelle avec beaucoup de joie, déclare la victime, héros du jour. Les magistrats ont su être courageux ». L'avocat du plaignant, François Lafforgue, salue également le jugement du tribunal avec satisfaction. « C'est une décision exceptionnelle et historique. Elle fera date et permettra aux autres agriculteurs de sortir de leur silence. Monsanto grandirait à ne pas faire appel ». Devenu le porte-parole des agriculteurs, Paul François dont le nom est parvenu jusqu'aux Etats-Unis hier après-midi, préfère dédier « sa victoire » aux autres. « C'est une récompense pour mes proches mais je pense surtout à mes copains qui ne sont plus là et tous ceux qui souffrent en silence ».
Encourageant pour la suite
« Ce jugement est une première étape importante, estime Nadine Lauverjat, chargée de mission pour L'ONG Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures. Donner raison aux petits agriculteurs face à à une firme de l'importance de Monsanto, ce n'est pas rien. C'est très encourageant pour la suite ». En attendant le géant américain devra s'acquitter de dommages et intérêts dont le montant n'a pas encore été déterminé. Défenseur de Monsanto, Jean-Philippe Delsart qui étudie la possibilité de faire appel, n'a pas souhaité faire de commentaires lorsque nous l'avons contacté. Lors de l'audience, il avait insisté sur le fait qu'il n'y avait « pas d'éléments suffisants dans le dossier pour établir un lien de cause à effet entre les symptômes de Paul François et une éventuelle intoxication au chlorobenzène ». Le tribunal a manifestement pensé le contraire.