Robert Pires: «Laurent Blanc, je lui mets 12 sur 20, mais avec encouragements»
FOOTBALL•L'ancien milieu de terrain des Bleus, consultant pour Europe 1, revient sur la qualification de l'équipe de France, en attendant (peut-être) de trouver un club...Propos recueillis par Antoine Maes
Quand on voit traîner un footballeur en tribune de presse, c’est que sa carrière est derrière lui. C’est le cas de Robert Pires, qui était au micro d’Europe 1 lors des matchs contre l’Albanie et la Bosnie. Lui qui a longtemps était le voisin de Laurent Blanc dans le vestiaire des Bleus revient sur la première saison du «Président» comme sélectionneur. Avant de poser le casque de consultant s’il trouvait un club pour boucler sa carrière.
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Les Bleus ont beaucoup lutté pour arracher cette qualification. Est-ce que mardi soir, après le but de Dzeko, vous vous êtes dit «c’est cuit, on y va aux barrages»?
J’ai pour habitude d’être optimiste et d’y croire jusqu’au bout. Quand vous avez joué avec des joueurs tels que Deschamps, Blanc, ou Desailly, ils inculquent ça. Moi, j’y ai cru. On a vu deux équipes de France: en 1ere mi-temps une équipe transparente, avec aucune maitrise du jeu, qui était tétanisée par l’enjeu. Et puis en 2e mi-temps, une équipe conquérante, qui à mon avis s’est fait bouger à la pause. Connaissant le bonhomme, Laurent Blanc, il a dû faire passer un message fort, parce que d’entrée de jeu, l’équipe de France a pris les choses en main. C’est ce qui nous a permis d’obtenir le match nul et de se qualifier.
Qu’est ce qu’elle vaut cette équipe? Elle peut viser quoi à l’Euro?
Pour être honnête, sur ce qu’on voit actuellement, c’est compliqué. C’est difficile de rivaliser avec l’Espagne, l’Allemagne ou les Pays-Bas. Je ne dis pas qu’on ne peut pas gagner. Mais il y a des favoris qui se dégagent. Laurent Blanc a du travail, il va essayer de perfectionner au mieux son équipe pour le mois de juin. D’ici là, il y a des joueurs qui vont faire une grosse saison, qui vont prendre un peu d’expérience, qui vont s’épanouir. Moi j’ai confiance en cette équipe.
C’est quoi son plus gros chantier?
Trouver une stabilité dans le jeu. Par exemple mardi, ça doit être une référence. Mais une référence à ne pas refaire. Parce que si tu joues comme la 1ere mi-temps de mardi face à l’Allemagne ou l’Espagne, tu en prends trois.
Ce n’est pas un peu court pour y remédier?
Ca se travaille. Après, nous on peut arriver fort et l’Allemagne et l’Espagne arriver un peu plus fatiguées. C’est la compétition, c’est la pression, c’est l’enjeu, il y a pleins de paramètres qui rentrent en jeu. Aujourd’hui, ce qui est bien, c’est qu’on n’a pas le rôle de favori. Ca peut nous aider.
Quel regard portez-vous sur la première saison de Laurent Blanc comme sélectionneur?
Globalement, il s’en est bien sorti. Le chantier était compliqué. C’était pas évident de reprendre l’équipe de France après ce qui s’est passé en 2010. Il le savait. Il y a eu des passages difficiles, quelques turbulences, ça fait partie du rôle du sélectionneur. La première d’entre elles, c’est la première défaite contre la Biélorussie. Quand tu commences les éliminatoires par une défaite, le doute peut s’installer. Après, il y a eu l’affaire des quotas. Ce n’était pas facile à gérer.
Si vous deviez lui donner une note sur 20, ce serait quoi?
Je lui mettrai un 12. Avec encouragements bien sûr. Pour une première saison, c’est pas mal quand même. Lui mettre plus, ce n’est pas facile non plus. Quand je lui mets 12 avec encouragements, c’est parce qu’il y a du travail et du potentiel. D’ici à l’Euro il peut finir à 16, 17, ou 18. Je préfère mettre 12 aujourd’hui et le voir finir à 16 ou 17.
Est-ce qu’il n’a pas déjà réussi le plus dur en soldant le passé?
L’héritage était lourd. Parce qu’il est passé après les années Domenech. Il fallait reconstruire, redonner une autre image de l’équipe de France. Il est certainement passé dans un rôle de psy avec les joueurs qui étaient en Afrique du Sud. Moi, l’équipe de France d’avant je la connaissais. Il y a des joueurs qu’il a dû ramasser à la petite cuiller. Les gens ils oublient tout ça. Les gens le critiquent, il a repris lui, lui, lui… S’ils sont bons avec leur club, chacun a droit à une deuxième chance. En plus ils ont été suspendus, enfin surtout Nico Anelka, qui a été lourdement sanctionné. Ils ont été punis, ils ont payé. Ils sont là avec un seul objectif, c’est de gagner.
«Si je dois arrêter, j’arrêterai. Je suis prêt»
C’est quoi le plus dur: jouer ou commenter?
Je préfère jouer. C’est dur de commenter. Déjà ce n’est pas mon métier, donc j’ai des choses à apprendre. C’est stressant, je sais ce que vivent les joueurs, ce qu’ils ressentent, que c’est pas facile dans une situation comme celle contre la Bosnie, où vous avez le public qui commence à siffler, à s’énerver. Honnêtement, je préfère être sur le terrain.
Ca vous démange?
Oui, quand même. En plus, ça faisait longtemps que je n’étais pas revenu au Stade de France. Grosse émotion pendant la Marseillaise. C’était touchant.
Est-ce que ça veut dire que vous avez fait une croix définitive sur votre carrière?
Pas encore. J’attends des propositions, elles sont un peu longues à venir, que ce soit du Qatar ou de la Russie. Donc j’attends. Tranquillement. Je m’entraîne tout seul, de temps en temps je fais appel à Tiburce Darou. S’il y a l’opportunité de finir sur une vingtième saison je le ferai, et puis s’il n’y a rien…
Après une carrière comme la votre, pourquoi s’entêter à faire une saison de plus?
J’aimerai finir sur un chiffre rond, une vingtième saison. Et ne pas finir sur la saison que j’ai pu faire à Aston Villa.
Parce que la Qatar ou la Russie, c’est mieux qu’Aston Villa?
Ca ne me dérangerait pas. Si je fais une saison pleine, elle sera réussie. A Aston Villa, j’ai joué quatre mois, je n’ai servi à rien. S’il faut aller au Qatar ou en Russie pour jouer retrouver des sensations, je le ferai.
Et retrouver des sensations en Ligue 2, comme Sylvain Wiltord à Nantes?
Non. Sylvain m’a appelé. Mais c’est compliqué. A la rigueur, s’il y a un club où j’irai, ce serai Reims.
Pourquoi le téléphone ne sonne pas plus?
C’est surtout l’âge. Les gens ont peur. Je sais très bien que je ne signerai pas dans un gros club, je ne suis pas con non plus. Mais les présidents pensent plus à un jeune. Ils se disent «ouais Pires il est cramé». Ce discours-là, je le connais. Ce n’est pas très grave. Si je dois arrêter, j’arrêterai. Je suis prêt.
Vous vous êtes fixé une deadline?
A un moment, il va falloir prendre une décision.