ANALYSEPourquoi la démission de Steve Jobs ne change rien pour Apple dans l'immédiat

Pourquoi la démission de Steve Jobs ne change rien pour Apple dans l'immédiat

ANALYSELe patron emblématique a transformé l'entreprise pour qu'elle prospère sans lui...
Philippe Berry

Philippe Berry

De notre correspondant à Los Angeles

Bien sûr, le cours de l'action Apple va connaître des jours mouvementés. Certes, aucun patron, pas même Bill Gates, n'était autant associé à l'image –et au succès– de son entreprise. Mais l'annonce de la démission de Steve Jobs de son poste de directeur général (remplacé par son bras droit Tim Cook, qui assurait déjà l'intérim pendant le congé maladie de Jobs) ne change rien dans l'immédiat. Et sans doute pour les deux prochaines années. Explications.

Tout change, rien ne change

D'abord Steve Jobs va officier comme président du conseil d'administration. «Rien n'est fondamentalement changé», explique à 20minutes.fr Leander Kahney, auteur du livre Inside Steve's brain. L'ancien journaliste de Wired et cofondateur du site CultofMac rappelle que dans les faits, «Tim Cook s'occupait déjà des opérations au jour le jour depuis un moment». «La situation ne change guère que dans le titre de quelques positions», acquiesce John Gruber, qui suit de près Apple et les nouvelles technologies sur DaringFireball. Selon lui, Steve Jobs «est toujours Steve Jobs. Il s'impliquera autant qu'il le voudra». Et que sa santé le lui permettra.

La vision de Job et son attention au détail intégrées dans l'ADN d'Apple

Beaucoup veulent réduire le succès de l'entreprise à la simple formule Apple = Steve Jobs (Apple post-1997 en tout cas). Supprimez l'homme qui valait 20 milliards (selon Barron's en 2007) et il ne reste rien. Mais l'égalité peut s'inverser: Steve Jobs = Apple. Comprendre: le patron visionnaire a passé près de quinze ans à reconstruire Apple pour que le groupe lui survive. Selon Leander Kahney, «Steve Jobs a intégré sa personnalité tellement en profondeur dans l'entreprise qu'elle continuera de se piloter après lui comme s'il était à la barre».

Une garde rapprochée en place depuis longtemps

Lorsqu'il est revenu à la tête du groupe après son éviction, Steve Jobs a ramené l'avenir de Mac OS dans ses valises mais surtout une dream team de cadres clés: Tim Cook le besogneux, imbattable pour s'assurer que les trains arrivent à l'heure mais également pénétrer le marché chinois; Phil Schiller, le patron du marketing, pierre angulaire du succès d'Apple; Jonny Ives, designer en chef, artisan de la renaissance du groupe avec l'iMac et l'iPod, capable de prendre l'avion juste pour aller observer des maîtres japonais forger un katana afin de mieux comprendre les secrets de l'acier; Scott Forstall, architecte de Mac OS X et d'iOS.

Une multitude de produits et une chaîne fabrication-distribution imbattable

Apple ne dépend plus d'un unique produit comme au début des années 1990. Au Mac se sont ajoutés l'iPod, l'iPhone et l'iPad (dont au moins deux prochaines versions sont dans les tuyaux). De plus, la galaxie de la pomme est plus vaste que des hommes et des machines. Musique, vidéos et apps, Steve Jobs a créé un véritable écosystème avec l'iTunes store, décrié par certains mais qui génère de juteux profits, et pas que pour Apple. Surtout, l'entreprise peut s'appuyer sur plus de 330 Apple stores dans le monde. Grâce à ses designs maison, aux volumes commandés à ses sous-traitants chinois et au contrôle de la distribution, Apple est imbattable sur les marges. HP et son TouchPad en savent quelque chose.

Le long terme, l'interrogation

Même si Steve Jobs était forcé de s'écarter complètement pour des raisons de santé, Apple devrait être tranquille «au moins pour deux ans», estime Leander Kahney. Quid d'un téléviseur connecté designé –l'une des rumeurs persistantes– par Apple? Kahney est dubitatif: «Le marché est brutal et ultra-compétitif, avec des marges faibles», analyse-t-il. Avant de reconnaître qu'on disait la même chose de celui de la téléphonie. John Gruber ne l'écarte pas, mais il ne pense pas «qu'une télévision soit le prochain gros coup» du groupe. Reste la question ultime: sur le long terme, Apple réussira-t-il à rester créatif? Personne n'a la réponse. Pas même Steve Jobs.