FOOTBALLCoupe du monde: Bruno Bini, le coach des Bleues qui préfère «les petits chemins qui sentent la noisette»

Coupe du monde: Bruno Bini, le coach des Bleues qui préfère «les petits chemins qui sentent la noisette»

FOOTBALLAprès la victoire contre le Nigeria (1-0), et avant le match contre le Canada, jeudi, le sélectionneur français raconte sa méthode...
Antoine Maes

Antoine Maes

«Les gens disent que Bini, c’est un affectif, un poète. Je suis entraîneur, quand même.» En direct d’Allemagne et entre deux entraînements, le sélectionneur des Bleues, explique son travail au quotidien avec l’équipe de France. Bruno Bini, 57 ans, c’est George Brassens entraîneur. Voire même Laurent Blanc chanteur, puisque le patron des Bleues a déposé quelques chansons à la Sacem. Profitez-en, parce qu’un jour «je remonterai dans mon vaisseau interplanétaire, et je repartirai je ne sais pas où.»

Il peut citer Jean de La Fontaine dans le vestiaire

«C’est ma manière de communiquer avec les filles. Je tiens un journal de six ou sept pages, que je fais la nuit, et elles l’ont tous les matins. Je leur mets des messages, des fois des fables de La Fontaine, des fois j’écris la fable de la fable, que je réécris en vers. A travers l’humour, la poésie et l’écriture, j’essaie de faire passer des messages. Les gens disent ‘’ouais, Bruno Bini, c’est un affectif, c’est un poète…’’ je suis un entraîneur quand même! Et la qualité première d’un entraîneur, c’est d’être entraînant. De gagner, mais sur soi-même déjà. Le reste c’est du foot. En faisant un peu de dérision, quoique, je me définis comme un petit vendeur de rêve, qui sélectionne en faisant de son mieux pour être entraînant.»

Il a sa méthode pour déstresser ses joueuses

«Avant le match contre le Nigeria, je leur ai donné un truc tout simple. Je ferme les yeux, et je suis à Laragne, mon petit village des Hautes-Alpes. Je suis sur la place, je mémorise toutes les maisons, le bar, la bascule... Il y a trois vieux sur le banc. J’ai 7 ou 8 ans, et je joue avec mes copains, et les petits vieux se disent ‘’putain qu’est ce qu’ils jouent bien’’. Ca dure une minute, et je me dis, il peut rien m’arriver. On s’amuse, on se fait plaisir. Et je dis aux filles, imaginer, vous avez 7 ou 8 ans, vous jouez avec vos amis, sur la place de votre village, sur une plage. Et puis vous vous régalez. Il n’y a que le jeu qui vous intéresse. La Coupe du monde ça ne vous intéresse pas, vous ne savez même pas ce que c’est. Et au bout de 15 secondes, je leur dis, les filles, c’est pareil aujourd’hui. C’est des trucs à deux balles peut être. Je n’ai pas la vérité, y a plusieurs chemins. Je ne suis pas sur l’autoroute, ça c’est sûr. Je suis sur les petits chemins, qui sentent bon la noisette

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Il prend le pouls de son équipe constamment

«Quelqu’un qui viendrait me voir pour me dire ce qui se passe dans le groupe, c’est un espion. Ce n’est pas un relais. Je suis un grand contemplatif. Le midi je mange, je regarde dans mon assiette sinon j’en mets à côté. N’empêche, il faut être attentif à certains regards, certaines attitudes, à certaines paroles. Parfois, je ne fais pas les entraînements. Mes adjoints les conduisent, et j’observe. Le projet de vie est très important. La personne qui ne peut pas se l’approprier ne vient pas avec moi en sélection. Le contrat est clair au départ. Je les regarde avec mon cœur, mais je les juge avec mes yeux. J’ai un cœur de pierre quand il faut les sélectionner. Une seule question quand je fais ma liste, mon onze: qu’est ce qui est bon pour l’équipe? Je me suis aperçu qu’il y a des choses qui étaient bonnes pour moi, mais qui ne l’étaient pas pour l’équipe. Une personne à son poste qui me fait gagner 10% par rapport à une autre, mais qui me fait perdre 40% dans la vie de groupe, il n’y a pas photo, je ne la prends pas.»

Il s’accommode sans soucis du succès médiatique

«Ca fait 4 ans qu’on ne voit personne. Et là en dix jours on a vu 10.000 personnes. Je ne suis jaloux de personne, je n’en veux à personne. Les gens ont leur raison pour ne pas être venu. Je suis quelqu’un de partage et d’accueil, alors on partage et on les accueille. Et puis si demain ils ne viennent plus, on continuera à suivre notre petit chemin. Je ne vais pas dire ‘’celui là il nous a fait un mauvais papier, on lui parle pas’’. Je m’en fous de tout ça. Parce qu’une chose est sûre: si on se qualifie je serai un bon coach, si on ne se qualifie pas je serai un bourricot. Donc tant qu’à faire, avant qu’on dise que j’en sois un, que je fasse les choses comme je les aime. Les choses qui sont faites dans le plaisir, ça passe beaucoup mieux.»

Il a Claude Onesta et Didier Deschamps comme modèles

«L’autre jour je suis intervenu à l’UNECATEF. On recevait Claude Onesta. Et moi je suis intervenu une demi-heure sur ce qu’on fait avec les filles. Il intervenait après. Quand j’ai fini d’intervenir, je suis descendu de la tribune, je suis allé m’assoir dans le public avec mon bloc pour prendre des notes. Et j’ai eu un coup au cœur. Je ne vais pas dire Claude Onesta. Je vais dire MONSIEUR Onesta. Il a dit «Je suis embêté parce que votre coach des filles, il a dit tout ce que je voulais dire». Alors c’était très certainement un peu exagéré… Ensuite, on a déjeuné ensemble. Pendant une heure, je lui ai posé pleins de questions, comme un con. J’aime bien ce genre de garçon. Ce n’est même pas un collègue, je suis un fan. Il y a des entraîneurs qui entraînent, et puis des entraîneurs qui dégagent quelque chose. J’ai eu le bonheur de côtoyer Didier Deschamps, c’est un bonheur. Il est curieux de tout. Les plus grands, ils ont peu de certitudes, et ils sont curieux de tout.»