Anne Lauvergeon débarquée d'Areva et remplacée par Luc Oursel
NUCLÉAIRE•lle n'est pas reconduite à la tête d'Areva, sur décision du gouvernement...© 2011 AFP
Après des mois de suspense, le gouvernement a décidé jeudi de ne pas reconduire Anne Lauvergeon à la tête d'Areva, préférant Luc Oursel, l'actuel directeur général délégué, pour remplacer l'emblématique patronne du groupe nucléaire public.
C'est un coup de tonnerre pour "Atomic" Anne, qui avait fait campagne activement pour sa reconduction. L'ancienne sherpa de François Mitterrand, qui briguait un troisième mandat, n'avait pas hésité à mobiliser son réseau de soutiens et multiplier les prises de parole dans les médias pour défendre son bilan à la tête du groupe qu'elle dirige depuis plus de 10 ans. Donnée partante depuis des mois, en raison de relations notoirement mauvaises avec le président Nicolas Sarkozy, elle a semblé paradoxalement avoir été remise en selle par l'accident nucléaire de Fukushima au Japon.
Le Japon change la donne
Ses défenseurs faisaient valoir que le contexte difficile que traversait le groupe plaidait pour sa reconduction et que la catastrophe japonaise confirmait son choix d'un parc nucléaire répondant aux plus hautes exigences de sûreté. Mais pour le gouvernement, Luc Oursel, 51 ans, n'est pas moins qualifié pour relever les défis qui attendent le groupe dans l'ère post-Fukushima. "Ce choix témoigne d’une volonté de l’Etat actionnaire de privilégier (...) l’expérience industrielle et la connaissance du nucléaire, acquises par Luc Oursel chez Areva" depuis 2007, ont fait valoir les services du Premier ministre dans un communiqué.
Cet ingénieur des Mines sera "notamment chargé de mettre en oeuvre un plan d’amélioration de la performance de l’entreprise, afin de renforcer sa compétitivité et de poursuivre son développement", ont-ils ajouté. Lancé en août, le processus de nomination avait débouché sur l'installation d'un comité de sélection qui avait établi une liste de plusieurs candidats potentiels, dont Marwan Lahoud, le directeur de la stratégie d'EADS. "Le nom d'Oursel avait été évoqué assez tôt dans le processus", a indiqué à l'AFP une source proche de l'Elysée.
Limiter la casse
"Ce qui s'est passé au Japon a changé la donne. On n'est plus en train d'essayer de vendre au monde entier 50 centrales: on est plutôt dans la logique de limiter la casse" et à cet égard, Luc Oursel est le candidat idoine, car c'est un "très bon gestionnaire du quotidien", a ajouté cette source. "Ce n'est pas le candidat de (Henri) Proglio", a-t-il ajouté, faisant allusion aux craintes que le patron d'EDF, ennemi notoire d'Anne Lauvergeon, n'impose un +sous-marin+ qui lui permettrait de contrôler la filière nucléaire française.
Luc Oursel, dont la candidature doit encore être soumise à l'approbation du conseil de surveillance d'Areva (dont l'Etat détient plus de 90% du capital), devra toutefois construire sa légitimité dans un groupe qui semblait jeudi tout entier acquis à la cause de sa patronne. L'hypothèse de la nomination imminente de M. Oursel a ainsi fait monter au créneau tous les soutiens d'Anne Lauvergeon, des salariés à la direction, en passant par une vingtaine de députés de tous bords.
"Anne Lauvergeon est la seule personnalité de l'entreprise disposant des compétences et qualités requises pour conduire Areva dans les années à venir", avait écrit le comité exécutif du groupe, dans une lettre signée par tous ses membres... à l'exception de Mme Lauvergeon et ... de M. Oursel. La patronne d'Areva pouvait aussi se prévaloir de l'appui du comité de groupe européen, composé d'élus du personnel, qui avait encensé une "femme visionnaire", "intransigeante sur la sécurité et la sûreté", ayant su "ouvrir Areva vers l'extérieur comme personne d'autre avant elle". "Si c'est pour nommer quelqu'un d'interne au groupe, autant garder Mme Lauvergeon. On préfère l'original à la copie", avait raillé de son côté une source proche de la direction.