Festival de Cannes: «Lars Von Trier a pris conscience trop tard qu'il était allé trop loin»
CINEMA•Le réalisateur danois avait déclaré «je comprends Hitler» lors de la conférence de presse de son film «Melancholia» mercredi à Cannes...A Cannes, Stéphane Leblanc et Charlotte Pudlowski
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Après avoir demandé au réalisateur danois Lars Von Trier de s'expliquer sur ses propos de mercredi, la direction du Festival de Cannes a finalement décidé de le déclarer «persona non grata», pour les propos qu'il avait tenu mercredi en conférence de presse. «Je comprends Hitler. Je pense qu'il a fait de mauvaises choses bien sûr, mais je peux l'imaginer assis dans son bunker à la fin (...)» Sentant la confusion, il a ajouté «OK, je suis nazi».
Thierry Frémaux a improvisé une conférence de presse jeudi après-midi pour donner des précisions sur ce que signifiait ce «persona non grata».
Melancholia, maintenu en compétition
«Le conseil d'administration s'est réuni à la demande de Gilles Jacob pour marquer sa considération par rapport aux propos de Lars von Trier», a précisé le délégué général du Festival de Cannes. «Il a été décidé de punir Lars von Trier, de le sanctionner, mais de maintenir son film en compétition, parce que rien dans le film ne propage les idées exprimées. C'est une oeuvre collective, il n'est pas question de punir tout le monde».
Lars Von Trier a quitté Cannes ce matin, selon Frémaux, et le Festival lui a demandé, s'il recevait un prix, de ne pas revenir le chercher. «Lars von Trier a répété qu'il n'était ni nazi, ni raciste, ni antisémite, qu'il était inexcusable et nous a prévenus qu'il accepterait la décision du conseil d'administration quelle qu'elle soit» a ajouté Thierry Frémaux. «Il a pris conscience trop tard qu'il était allé trop loin».
Une mesure ponctuelle
«La mesure ne s'applique que pour cette année, mais il fallait marquer le coup. Il est clair qu'un tel épisode fera jurisprudence. Le Festival est né juste après la Deuxième Guerre Mondiale, pour faire du cinéma un dialogue entre les peuples et les cultures, et devra ajouter un article dans son réglement intérieur, rappelant que nul n'est autorisé à proférer des propos antihumanistes quels qu'ils soient.»
Thierry Frémaux a précisé que s'il avait serré la main de Lars von Trier en haut des marches, après que le réalisateur avait tenu les propos controversés, c'est parce qu'il s'en était excusé. «Jamais je n'aurais pu serrer la main d'un sympathisant nazi. Quand on connaît Lars von Trier, il est difficile de prendre ses provocations au sérieux. Mais si nous n'étions pas intervenus, on aurait pu laisser croire qu'on les cautionnait».
Un jury libre de ses choix
Quant au jury, Thierry Frémaux a souligné qu'il restait libre de ses choix. «On voit les membres au début du Festival et à la fin, mais jamais au milieu. Ils lisent ou pas les journaux, ils savent ou non ce qui se passe; ils auront à juger en toute indépendance et en toute souveraineté».