Syrie: Assad reprend le berceau de la contestation en main
MONDE•Les morts s'accumulent en Syrie, et la communauté internationale cherche des solutions pour arrêter les violences...C.P. avec Reuters
Les forces de sécurité syriennes ont lancé lundi des opérations de reprise en main de certains foyers de la contestation contre le régime du président Bachar al Assad, notamment à Deraa, où ont commencé les toutes premières manifestations le 18 mars.
Au moins dix-huit personnes ont péri dans l'assaut mené par l'armée à Deraa, dans le sud du pays, a déclaré un militant pro-démocratie, Ammar Kourabi. Il a précisé que des blindés avaient ouvert le feu sur plusieurs bâtiments.
Les forces de sécurité sont également entrées dans Douma, à la périphérie nord-est de la capitale, Damas, qui a connu d'importantes manifestations anti-Assad. Un témoin a parlé de blessés et de dizaines d'arrestations.
Les forces de sécurité, selon une évaluation établie par des organisations de défense des droits de l'homme, ont tué plus de 350 civils depuis le début des troubles. Un tiers de ces victimes sont tombées au cours des trois derniers jours, l'ampleur de la révolte populaire étant montée d'un cran.
A Washington, la Maison blanche a annoncé que l'administration Obama examinait la possibilité d'adopter des «sanctions ciblées» contre le pouvoir syrien. «La violence à laquelle le gouvernement syrien a recours contre son peuple est absolument déplorable», a déclaré Tommy Vietor, porte-parole de la présidence américaine.
«Une guerre barbare»
A Genève, Navi Pillay, Haute Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a exhorté Damas à retenir ses forces de sécurité et réclamé une enquête sur la mort d'une centaine d'opposants au cours du week-end. Elle a invité le président Assad et son gouvernement à mettre en oeuvre les réformes promises, notamment en libérant des dizaines de militants et de détenus politiques.
Assad a levé jeudi l'état d'urgence qui était en vigueur en Syrie depuis 1963, mais selon l'opposition, les violences du lendemain, jour où une centaine de personnes ont été tuées au cours de la répression, ont montré qu'il n'avait aucune intention sérieuse de répondre aux appels en faveur d'une libéralisation politique.
Une militante syrienne des droits de l'homme a estimé lundi que les autorités syriennes avaient ni plus ni moins déclenché une guerre contre le mouvement de contestation pacifique, en s'en prenant ces dernières heures à trois villes. «Il s'agit là d'une guerre barbare destinée à annihiler les démocrates syriens», a dit Souhaïr al Atassi dans un communiqué.
«Les intentions du président Bachar al Assad sont claires depuis qu'il a publiquement déclaré qu'il était 'prêt à la guerre'», a-t-elle ajouté, allusion à un discours du 31 mars devant le Parlement.
Parallèlement à l'opération en cours à Deraa, les autorités syriennes ont fermé les postes frontaliers avec la Jordanie.
Les habitants de Deraa, ville proche de la frontière jordanienne, ont parlé de l'entrée de plusieurs centaines de soldats dans leur ville. Huit chars et deux véhicules blindés de transport de troupes se sont déployés dans la vieille ville, où des cadavres jonchaient une rue près de la mosquée Omari, a dit un témoin à Reuters.
Le monde de la culture se mobilise
«Les gens se mettent à couvert dans les maisons. J'ai pu voir deux corps près de la mosquée et personne ne peut sortir pour les récupérer», a-t-il ajouté.
Des tireurs ont pris position sur des bâtiments officiels et les forces de sécurité ouvraient le feu au hasard sur des maisons, après l'entrée des chars juste après l'heure de la prière à l'aube.
Les journalistes étrangers ayant été pour la plupart expulsés du pays, il est impossible d'aller se rendre compte de la réalité de la situation sur le terrain.
Les militants d'opposition disent craindre que les forces d'Assad ne préparent une opération contre la ville de Naoua, à 25 km au nord de Deraa, vers laquelle se dirigeraient des bulldozers et des véhicules de l'armée.
Dimanche, dans cette ville, plusieurs milliers de personnes ont appelé au renversement d'Assad lors des obsèques de manifestants abattus par les forces de sécurité.
Egalement dimanche, au moins 13 civils ont été tués par balles dans la localité côtière de Djabla par les forces de sécurité et les milices loyales à Assad, rapporte lundi l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme.
A Banias, au sud de Djabla, les dirigeants de la contestation ont fait savoir qu'ils allaient bloquer la grande route du littoral jusqu'à ce que le siège des forces de sécurité soit levé autour de Djabla. A Djabla vivent nombre d'Alaouites, branche du chiisme auquel appartient le clan Assad.
Face aux événements en cours, des écrivains syriens ont publié lundi une déclaration commune pour dénoncer la répression sanglante des manifestations, traduisant l'indignation grandissante de l'élite intellectuelle après la mort d'une centaine de personnes ces trois derniers jours.