Immigration: Avec les Tunisiens, à Vintimille
MIGRANTS•Ils passent par la ville italienne avec l'espoir de pouvoir rejoindre la France...Jean Christophe Magnenet
De notre envoyé spécial à Vintimille
Ils étaient une bonne douzaine, lundi matin, à faire le pied de grue devant le commissariat de Vintimille. Ces migrants tunisiens avaient rendez-vous avec les fonctionnaires italiens pour obtenir un «permis de séjour temporaire», et circuler librement dans l'espace européen de Schengen. Parmi eux, Mabrouk, 23 ans, en stand-by dans cette ville frontalière depuis quelques jours. «Je vais passer en France mais peut-être pas y rester, lance le jeune homme. Chez vous, c'est pas le paradis.» Environ 300 personnes s'agglutinent comme lui en centre-ville depuis la fin février et la révolution tunisienne.
Tous des hommes, souvent très jeunes
Pourquoi sont-ils là? « Pour trouver du boulot!», sourit Zide. Fausses lunettes Carrera au bout du nez, ce jeune homme a débarqué avec une formation de plombier sous le bras. Il compte rejoindre un cousin à Nice, et peut-être aller jusqu'à Lyon. «On vient en Europe pour travailler, mais aussi pour la liberté», souligne Mabrouk, qui, lui, a de la famille en Allemagne. «En Tunisie, ça change côté politique. Mais pas vraiment du côté des mentalités et de la religion, grince-t-il. Se balader avec sa copine, boire une bière avec des amis… Tout est plus compliqué chez nous! Et puis, passer la Méditerranée et gagner de l'argent à envoyer au pays, c'est aussi un peu devenir un homme.»
En transit à Vintimille, certains passent la nuit en ville, dormant peu. D'autres font le choix de marcher 5 km pour rejoindre la caserne désaffectée de Bevera, où la Croix-Rouge a installé un centre d'accueil de nuit. «Nous disposons de 150 lits, et leur fournissons repas du soir et petit déj'», détaille Giampiero Fortonese, responsable administratif du site. «On ne voit pas souvent les mêmes têtes», glisse-t-il.
En ville, «mis à part ce dimanche, où une manifestation de soutien a fait un peu de bazar, leur présence ne crée pas de soucis», juge Francesca, qui tient un kiosque à journaux. A quelques mètres, Mabrouk s'est installé dans le jardin public avec Saddam et Akram, compagnons d'infortune. « Peut-être que nous prendrons le train cet après-midi ». Il leur suffit de remonter la via della Repubblica pour rejoindre la gare de Vintimille. Sur le parvis, une soixantaine de migrants végètent au soleil.
Des TER, il en part toutes les demi-heures en direction de la France. Permis de séjour, billet de train en main et une petite centaine d'euros en poche, Hamza a embarqué. Crispé et vissé sur son siège, il voit des CRS monter dans la rame, en gare de Menton-Garavan. Il pourra poursuivre sa route «jusqu'à Toulouse, inch'Allah…»