La Conquête est sélectionné à Cannes. Quel est l’enjeu pour le film?
Je le vois comme un accélérateur de reconnaissance. On va rencontrer des distributeurs étrangers, des journalistes de tous les pays. Des gens hors du débat politique. Etre sélectionné à Cannes, ça veut dire que La Conquête a plu aux organisateurs non pas seulement pour son sujet, mais pour ses qualités cinématographiques. Pour ses acteurs, pour sa mise en scène, pour son côté divertissant. C’est une sacrée récompense car ça remet le film sur le terrain du cinéma.
C’est quand-même l’aspect politique qui fait tout le sel de La Conquête et à ce sujet, avez-vous subi des pressions?
Pas le moins du monde. Il y a eu beaucoup de rumeurs, mais nous avons été très discrets.
Comment avez-vous fait pour détourner l’attention, au moment du tournage par exemple?
On a tourné en plein mois d’août alors qu’un papier dans le Canard enchaîné l’annonçait pour l’hiver. On a reconstruit tous les décors ailleurs, souvent en dehors de Paris pour éviter les demandes d’autorisations à la préfecture. On n’a pas rencontré les protagonistes, on n’a repéré aucun lieu, comme l’Elysée ou la place Beauvau, mais on travaillé à partir de photos, en zoomant sur des détails ou des accessoires. On a fait circuler le script le moins possible. Mais il a bien fallu le faire circuler pour trouver les financements et les acteurs. Toujours est-il que nous n’avons pas subi de pression.
A quelles difficultés avez-vous été confronté?
Trouver l’argent pour le faire, sans chaînes, sauf une petite participation de Canal+… Partout on nous disait «l’accession au pouvoir d’un président en exercice, vous n’y pensez pas, ça n’a jamais été fait, du moins en France, on ne peut pas toucher à ça.» Ce qui nous donnait encore plus envie de le faire. Au moins ça va ouvrir une porte et tant mieux si ça donne des idées à d’autres. Et puis il a fallu trouver l’acteur. On en a vu plusieurs et Denis Podalydès s’est imposé, sa rythmique, sa scansion, son corps, l’intelligence de son jeu…
De quoi vous êtes vous inspiré pour rendre les personnages crédibles?
De tout ce qui a été écrit à leur sujet, ou filmé: une centaine de livres, des heures d’image… ce qui fait énormément de sources d’information. Le film place le spectateur comme une petite souris dans les arcanes de la conquête du pouvoir, qui va découvrir la trame du jeu politique.
La pipolisation de la vie politique à laquelle on assiste vous a-t-elle aidé?
C’est vrai que cette transparence revendiquée a sans doute permi au film de se faire. Mais ce n’est pas cette pipolisation qui nous a intéressé. C’est la mécanique qui se met en place pour accéder au pouvoir. C’est très théâtral, finalement. C’est du Shakespeare avec des dialogues rabelaisiens, une comédie du pouvoir où le discours peut être très trivial. Avec du romanesque aussi, grâce au personnage de Cecilia Sarkozy…
Le film doit coller aux faits. Comment ne pas trahir la réalité?
Interpréter, c’est forcément trahir un peu. On a dû recomposer. C’est une représentation. On sait ce qui s’est passé avant et après ce qu’on voit dans le film. Mais on a résumé cinq ans en 1h45. Ce qui induit forcément des choix.
Vous êtes vous auto-censuré?
Non, mais on s’est posé des questions morales. Par exemple, on ne s’est pas attaqué à la vie privé. On n’a jamais cherché à démolir quelqu’un. Ce n’était pas le sujet. Et on n’a rien inventé qui nous aurait sorti du contexte qu’on s’est défini.