Des saumons bien gardés pour ne pas polluer l'environnement
REPORTAGE•En Norvège, les élevages de saumons sont étudiés pour minimiser leur impact sur l'environnement...à Bergen, Audrey Chauvet
La France, l’autre pays du saumon? Avec environ 170.000 tonnes de saumon importées en 2010, dont 97% proviennent d’élevages, la consommation de saumon frais ou fumé ne cesse d’augmenter en France. De quoi réjouir les pisciculteurs norvégiens, premiers producteurs de saumon au monde, qui fournissent près de 75% des poissons consommés en France. Mais peut-on produire autant de saumon sans nuire à l’environnement? Plongée dans une ferme piscicole, à quelques encablures de Bergen, en Norvège.
Des cages conçues pour éviter les évasions
En arrivant à Skredstivik, on imagine difficilement que plus d’un million de saumons vivent dans les sept cages de la ferme. Quelques poissons qui sautent de l’eau rappellent toutefois leur présence dans ces enclos de plus de 20m de profondeur. L’entreprise Marine Harvest, qui exploite cette ferme, représente près du quart de la production norvégienne de saumon d’élevage. La responsabilité environnementale des éleveurs est importante, la concentration de poissons pouvant être la cause d’une pollution due aux déchets de nourriture et aux excréments, comme l’a démontré une étude récente de l’université de Stanford.
«En prélevant des échantillons sur les fonds marins, on constate que cinq ans après la fermeture d’une ferme, il n’y a plus de traces dans l’environnement», affirme Ole Torrissen, chercheur à l’Institut de recherche marine. Pour limiter les dégâts, les filets des cages sont conçus pour ne pas râper les fonds marins et ne pas capturer de poissons sauvages. Mais surtout, ils doivent être solides pour éviter les évasions de saumons: les évadés entrent alors en compétition avec les saumons sauvages pour la nourriture, répandent des maladies auxquelles les populations sauvages ne peuvent faire face et peuvent surtout modifier le patrimoine génétique des saumons «naturels» qui risquent de ne plus être adaptés à leur environnement.
Les poux de mer, un fléau pas encore éradiqué
Les virus qui se développent dans les fermes, tels que celui qui a dévasté les élevages chiliens en 2009, ont été en majeure partie éradiqués par la vaccination systématique des poissons à la fin de leur première année, lorsqu’ils sont transférés de l’eau douce à l’eau de mer. «On ne donne plus d’antibiotiques aux saumons depuis la fin des années 1990», explique Ole Torrissen. Seuls les poux de mer, des parasites qui sucent le sang des poissons, résistent aux vaccins. «On peut toutefois adopter des mesures préventives, précise le scientifique. En choisissant bien l’emplacement de la ferme, notamment dans les fjords où l’arrivée d’eau douce diminue le risque de poux, en introduisant des espèces de poissons qui mangent ces poux ou en mettant des additifs dans la nourriture.»
Des mesures qui permettront de protéger le saumon d’élevage, mais pas son cousin sauvage. Alors qu’en Ecosse les pêcheurs accusent les fermes de répandre des poux de mer qui tuent les saumons sauvages, ce problème n’intéresse pas les Norvégiens car il n’y a quasiment plus de pêche de saumon. «L’explosion de l’élevage a fait baisser le prix du saumon et il n’est plus assez rentable de le pêcher à l’état sauvage», explique Rögnvaldur Hannesson, professeur à la Norwegian School of economics, pour qui l’équilibre économique passe avant l’équilibre des écosystèmes.