Motivation des verdicts: décision du Conseil constitutionnel le 1er avril

Motivation des verdicts: décision du Conseil constitutionnel le 1er avril

Les cours d'assises vont-elles devoir motiver leurs verdicts, rompant avec un système remontant à la Révolution? Le Conseil constitutionnel rendra le 1er avril sa décision sur cette question récurrente, qu'il a examinée mardi en séance publique.
© 2011 AFP

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Les cours d'assises vont-elles devoir motiver leurs verdicts, rompant avec un système remontant à la Révolution? Le Conseil constitutionnel rendra le 1er avril sa décision sur cette question récurrente, qu'il a examinée mardi en séance publique.

Contrairement aux tribunaux correctionnels, les cours d'assises n'ont pas à motiver leurs décisions, la loi demandant aux magistrats et jurés qui les composent de se prononcer selon "leur intime conviction".

Dénoncée de longue date par les avocats, cette jurisprudence a été réaffirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation, y compris après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) condamnant la Belgique qui, comme la France, ne motive pas ses verdicts.

La Cour de cassation a cependant décidé, le 20 janvier, de transmettre aux "Sages" deux Questions prioritaires de Constitutionnalité (QPC) sur le sujet.

L'une a été déposée par le Dr Jean-Louis Muller, condamné à 20 ans de réclusion pour le meurtre de sa femme, et l'autre par le patron-boulanger Xavier Philippe, qui a écopé de trente ans de réclusion pour le meurtre de son associé.

"L'absence de motivation est incontestablement contraire à la Constitution", a plaidé Me Jean-Pierre Chevallier, qui représentait Xavier Philippe. Il a contesté ce système hérité de la Révolution, qui au fil des ans a entretenu "l'idée que le peuple souverain rendant la justice n'aurait pas à s'expliquer".

Pourquoi les cours d'assises, qui jugent les crimes, "susceptibles des peines les plus graves", n'ont-elles pas à motiver leurs décisions, alors que tout jugement sur un délit est accompagné d'explications?, a-t-il demandé, y voyant une "discrimination patente".

Il faut que l'accusé sache "pourquoi le verdict a été prononcé", et qu'il puisse "comprendre ce verdict", a plaidé Me Claire Waquet, pour le Dr Muller.

En réponse aux arguments selon lesquels il serait difficile, pour les jurés, de motiver une décision alors qu'ils ne sont pas juristes, cette avocate a cité l'exemple de la Cour de Justice de la République (CJR).

Cette cour motive ses arrêts, alors qu'aux côtés des magistrats siègent des parlementaires, a-t-elle souligné.

Thierry-Xavier Girardot, qui représentait le gouvernement, a au contraire recommandé aux Sages de déclarer les dispositions contestées conformes à la Constitution. Obliger les cours d'assises à motiver leurs décisions entraînerait selon lui "une remise en cause plus radicale du fonctionnement de ces juridictions".

"La motivation des arrêts d'assises, si elle voit le jour, risque fort de ne consister qu'en un résumé, établi sur une trame standardisée", a pour sa part objecté Me Jean-Philippe Duhamel, qui représentait les parties civiles du procès Müller. "Je ne suis pas sûr qu'au-delà des apparences, les parties y gagnent beaucoup".

Si toutefois une réforme devait être décidée, cet avocat a recommandé aux Sages de prévoir un délai, car sa mise en oeuvre "ne pourrait résulter que d'un vote du Parlement".

Le législateur aurait à répondre à plusieurs questions d'ordre pratique que l'avocat a énumérées: "Qui rédigerait les arrêts ?" (magistrats professionnels ou jurés), la motivation serait-elle "succincte ou développée"?, s'accompagnerait-elle d'une "baisse du nombre des jurés" ?, "l'arrêt pourrait-il être mis en délibéré"?

Une abrogation immédiate de la règle existante ferait en outre que "tous les pourvois en cours aboutiraient à une cassation", a-t-il mis en garde, tandis que son confrère Jean-Pierre Chevallier assurait que "les pourvois en cours sont marginaux en nombre".

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