Renault manipulé mais pas espionné?
AUTOMOBILE•Les enquêteurs n'ont trouvé aucun indice prouvant des actes d'espionnage...Thibaut Schepman
Et si Renault avait fait fausse route en renvoyant trois de ses cadres en janvier dernier? De plus en plus d’éléments remettent en cause la thèse de l’espionnage.
La thèse de l’espionnage s’affaiblit
Dans leur lettre de licenciement, reçue en janvier dernier, les trois salariés mis en cause sont accusés de «pots-de-vin» et de «sommes d'argent de source étrangère» reçues en échange d'information stratégique sur l'entreprise. Sauf que cette version est sérieusement mise en doute. D’abord par les accusés qui ont nié en bloc, et ont montré que de nombreux points d’ombre entourent cette affaire.
Ensuite parce que les enquêteurs n’ont découvert aucun élément prouvant les accusations de Renault. Le Canard Enchaîné a ainsi révélé fin février que les recherches demandées en Suisse n'avaient pas permis de retrouver trace d'un compte bancaire détenu par les employés mis en cause. De même pour les recherches au Liechtenstein. Si l’enquête n’est pas terminée, puisque les commissions rogatoires n’ont pas été renvoyées, elle semble bien mal embarquée.
Celle d’une manipulation semble de plus en plus crédible
Selon Libération, le directeur général de Renault, Patrick Pelata, se serait rendu à Matignon lundi pour indiquer que le constructeur automobile avait sans doute été victime d'un règlement de comptes interne. Ne subsisteraient de soupçons d’espionnage que pour l’un des trois cadres.
Cette thèse a été renforcée par les révélations jeudi matin d’un autre ex-cadre de Renault qui assure avoir été renvoyé de l’entreprise dans des conditions similaires en 2009. «Une personne m'a annoncé qu'elle détenait la preuve que je recevais de l'argent de la part des prestataires, via des sociétés écrans sur des comptes à l'étranger, et que ça avait été vérifié par la sécurité du groupe», a raconté l'ancien cadre sur Europe 1, confirmant un témoignage révélé par Le Parisien. Lui aussi évoque une tentative de déstabilisation «en interne ou en externe», dont serait victime Renault.
Polémique sur l’attitude de Renault
L’enquête de Renault a été menée par un seul homme, un salarié de l’entreprise Geos, qui assure avoir eu accès à des comptes bancaires. «Il n’en était pas à sa première mission clandestine pour le voiturier français, et ses enquêtes auraient débouché sur au moins une mise en retraite anticipée, plusieurs sanctions professionnelles, et trois interruptions de carrières révèlent Les Inrocks mercredi. Renault lui a donc fait une confiance absolue sur le dossier, sans pourtant disposer de preuves écrite en main propre.
Des méthodes qui font polémique aujourd’hui, plaçant le comité de sécurité de Renault dans la tourmente. Pierre-Olivier Sur, l'avocat d'un des trois cadres soupçonnés d'espionnage, a ainsi dénoncé jeudi: «plutôt que de dire toujours qu'ils sont victimes, ils devraient reconnaître que quelque chose ne fonctionne pas à l'intérieur de la société». Une polémique relayée jeudi par les déclarations sur Canal + du centriste Jean Arthuis, président de la commission des Finances du Sénat. «Cette affaire a pris une dimension folle et je m'étonne qu'on ait pu porter de telles accusations sur des allégations qui apparemment n'avaient pas de fondements