POLITIQUEBelgique: Comment le pays fonctionne-t-il sans gouvernement?

Belgique: Comment le pays fonctionne-t-il sans gouvernement?

POLITIQUELes affaires courantes sont toujours expédiées malgré 249 jours sans exécutif...
Corentin Chauvel

Corentin Chauvel

Alors que les étudiants belges ont lancé ce jeudi leur «révolution des frites», en écho à celle du jasmin en Tunisie et du Nil en Egypte, les affaires courantes du pays continuent à être gérées malgré l’absence de gouvernement depuis 249 jours. Comment la situation est-elle viable alors que le record du monde sans gouvernement est en passe d’être battu? 20minutes.fr fait le point.

Comment la Belgique est-elle actuellement gouvernée?
La situation est cocasse et pourtant bien réelle: Yves Leterme, Premier ministre démissionnaire en avril dernier, est toujours en poste depuis. Tant qu’un nouveau gouvernement ne sera pas formé, c’est bien lui qui est en charge de l’exécutif provisoire. Celui-ci est seulement chargé d’expédier les affaires courantes de la Belgique, soit «gérer au jour le jour les tâches de l’Etat», précise à 20minutes.fr Pascal Delwit, professeur de sciences politiques à l'Université libre de Bruxelles.

Expédier les «affaires courantes» suffit-il à gérer pleinement un Etat?
Oui et non. Oui, parce que la Belgique est plutôt chanceuse. En tant qu’Etat fédéral, des compétences larges et variées (éducation, santé, aménagement du territoire, logement, culture, etc.) sont gérées par des entités fédérées (région, provinces) et celles-ci fonctionnent «relativement normalement», selon Pascal Delwit. De plus, d’après le politologue, l’économie belge se porte bien et «il n’y a pas de grandes décisions à prendre» pour le moment. Cependant, des points de blocage vont forcément apparaître car le gouvernement provisoire ne peut pas «mener de politiques nouvelles».

Quels sont les points de blocage rencontrés actuellement?
Les «grains de sable» ne sont pas nombreux, mais commencent «à apparaître tout doucement», indique à 20minutes.fr Jean Faniel, politologue belge rattaché au Centre de recherche et d'information socio-politiques (Crisp). Ce dernier donne pour exemple «certaines nominations dans la fonction publique» non effectives, des projets qui ne sont pas financés ou renouvelés, ou encore des réformes en suspens comme celle sur l’immigration ou le système des retraites. Mais le point de blocage essentiel rencontré par le gouvernement provisoire est le budget de l’Etat qui, en théorie, ne peut être présenté que par un exécutif en plein exercice. «Il s’agit d’une décision éminemment politique», précise Jean Faniel qui, comme Pascal Delwit, croit ainsi en un prochain élargissement des «affaires courantes» afin que le budget 2011 puisse être voté par le Parlement le plus rapidement possible.

Pourquoi un élargissement du champ «affaires courantes» pourrait poser problème?
Dans un tel cas de figure, le gouvernement provisoire sera alors en mesure de prendre des décisions «politiques». Or, si celles-ci s’avèrent impopulaires, «la population ne pourra pas le sanctionner via ses parlementaires», car il protégé par son caractère temporaire et quasi «non-responsable». Un procédé que Jean Faniel qualifie alors de «délicat» voire de «pas démocratique». «La durée de la crise et le contexte socio-économique n’autorisent pas à faire n’importe quoi», ajoute-t-il, soulignant tout de même que ce projet, initié par le roi Albert II, «n’a pas fait énormément de vagues».