AUTOMOBILEEspionnage chez Renault: une enquête, trois plaintes et beaucoup de questions en suspens

Espionnage chez Renault: une enquête, trois plaintes et beaucoup de questions en suspens

AUTOMOBILELes trois cadres accusés nient en bloc, le PDG du groupe Carlos Ghosn va s'exprimer dimanche...
Thibaut Schepman

Thibaut Schepman

Trois semaines après les premières révélations dans la presse, le PDG de Renault Carlos Ghosn va s’exprimer pour la première fois, dimanche, au sujet de l’affaire d’espionnage industriel dont aurait été victime le groupe automobile. L’occasion d’éclaircir plusieurs zones d'ombres.

Les mis en causes portent plainte

Les trois cadres de Renault licenciés dans l'affaire d'espionnage industriel présumé ont annoncé le dépôt d'une plainte pour dénonciation calomnieuse ou diffamation, selon les cas. Le dernier en date, Matthieu Tenenbaum, ex-directeur adjoint du programme véhicules électriques du groupe, a annoncé: «Je conteste totalement, je réfute vraiment tout ce que je lis dans la presse». «Cela m'est même complètement étranger. Je ne m'explique pas qu'on puisse m'accuser de choses comme ça», Les trois cadres affirment n'avoir aucun compte bancaire à l'étranger, contrairement aux éléments évoqués par la presse, et au moins deux d’entre eux préparent un référé devant le conseil des Prud'hommes pour obtenir la réintégration au sein de Renault.

Manque de preuves

Ces plaintes sèment le doute sur les preuves dont dispose le constructeur. Dans son enquête sur l’affaire, le quotidien économique Les Echos s’étonne vendredi notamment du très court délai –quatre mois en tout - qu’il a fallu à la marque au losange pour mener son enquête sur ce présumé système très complexe de pots de vins. Le quotidien cite plusieurs anciens du renseignement intérieur qui soulignent des incohérences dans le dossier. «Pourquoi avoir recruté trois “espions” au sein d'une même entreprise? On multiplie les occasions de se faire découvrir», expliquent-ils ajoutant que «leur niveau hiérarchique est trop élevé» et que «l’on voit rarement parmi les espions des personnes qui ont consacré toute leur carrière à leur entreprise.»

D’ailleurs, le constructeur automobile n’a finalement pas porté plainte contre les salariés licenciés mais a lancé une procédure contre X. Un revirement qui pourrait confirmer le manque de preuves mettant en cause formellement les trois cadres.

Tentative de déstabilisation?

Dans ce contexte, les interrogations se portent également sur l’auteur de la lettre anonyme de dénonciation à l’origine de l’enquête interne. Hervé Séveno, le président du Synfie, le syndicat des professionnels de l'intelligence économique, a même évoqué lors de ses vœux l’hypothèse d’une tentative de déstabilisation contre les gouvernants de Renault chargés du dossier des véhicules électriques, comme le révèle Perrine Créquy, journaliste économique au Figaro.fr, sur son blog consacré à l’intelligence économique. L’expert de l’intelligence économique a noté notamment que «la dénonciation a conduit à l’éviction de trois cadres en charge de dossiers stratégiques sur le groupe, et qui maîtrisaient parfaitement leur sujet car tous travaillaient chez Renault depuis plus de dix ans. Avoir dû mettre à pied ces ressources va forcément avoir un impact négatif sur la poursuite des développements des projets du constructeur». Ce qui va forcement profiter au concurrent de la marque au losange. De là à accréditer la thèse d’une déstabilisation plutôt que celle d’un espionnage industriel? La justice devra y répondre dans les semaines qui viennent.