Affaire Bettencourt: Les dessous d'un accord inespéré entre une mère et sa fille
JUSTICE•Que prévoit-il, que change-t-il à la procédure? 20minutes.fr fait le point...Catherine Fournier et M. P. avec Reuters
Est-ce la fin d'une chronique médiatico-judiciaire? En tout cas, le volet familial de l'affaire Bettencourt est en passe d'être clos. Après trois semaines de discussions secrètes, un accord a été trouvé entre les trois principaux protagonistes de l'affaire, Françoise Bettencourt-Meyers, Liliane Bettencourt et François-Marie Banier, annonce ce lundi un communiqué des avocats de la fille de l'héritière de L'Oréal. 20minutes.fr fait le point sur les termes connus de cet accord, le reste devant rester «personnel et confidentiel».
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Comment a germé cet accord?
Didier Martin, défenseur de Françoise Meyers-Bettencourt, insiste sur le fait que c'est la volonté de réconciliation de la mère et de la fille, loin du tumulte médiatique, qui a abouti à cet accord et non l'inverse. «C'est le résultat de discussions à cercle fermé. Pour que ça puisse se faire, il fallait maintenir un secret assez exceptionnel», souligne pour sa part Pacal Wilhelm, avocat de Liliane Bettencourt. Prié de dire comment l'idée de ce rapprochement a germé, Didier Martin répond: «Lorsqu'une mère et une fille sont dans un tumulte pareil, on ne peut pas imaginer un seul instant que ce soit sans souffrance de part et d'autre. Il y avait beaucoup d'émotion et une volonté de se retrouver.» La mise à l'écart de ténors du barreau - Olivier Metzner et Georges Kiejman - au profit d'avocats plus spécialisés dans le monde des affaires aurait aussi permis aux deux femmes de trouver un terrain d'entente.
Quid de François-Marie Banier?
«En contrepartie d'un certain nombre d'engagements pris par François-Marie Banier conformément aux souhaits de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt-Meyers se désistera de ses poursuites contre le photographe devant le tribunal correctionnel de Nanterre», explique le texte. «François-Marie Banier se désistera pour sa part des plaintes qu'il a lui-même déposées dans cette affaire», ajoute le communiqué. «C'est donc pour lui un mauvais souvenir que cette affaire», a indiqué son avocat Pierre Cornut-Gentille sur i-Télé.
Selon les deux avocats, l'accord ne prévoit pas explicitement la mise à l'écart de François-Marie Banier. Mais comme elle l'avait déjà annoncé dans des interviews, Liliane Bettencourt fera en sorte de prendre ses distances avec le photographe. «Il faut que les choses soient claires, l'accord ne crée pas d'interdiction pour Liliane Bettencourt», souligne Pascal Wilhelm. Le fait de s'éloigner de François-Marie Banier, «c'est une volonté, ce n'est pas un contrat».
Et Patrice de Maistre?
Patrice de Maistre cessera d'être le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt le 31 décembre, selon les avocats de la famille.
Que devient la procédure pour «abus de faiblesse»?
Françoise Bettencourt-Meyers accusait François-Marie Banier d'abus de faiblesse sur sa mère, pour un montant total d'un milliard d'euros, une version contestée par les deux protagonistes. Cette accusation a fait l'objet d'un procès, renvoyé pour un complément d'information judiciaire à la suite de la diffusion des enregistrements pirates réalisés au domicile de Liliane Bettencourt en juin dernier. Selon Mathieu Bonduelle, du syndicat de la magistrature, il n'est pas acquis que la procédure judiciaire en reste là, «juste parce que Françoise Bettencourt-Meyers a retiré sa plainte. On ne peut pas disposer comme ça de l'action publique». Malgré tout, même si les enquêtes judiciaires restent ouvertes, les juges et le parquet «ne pourront pas ne pas voir les dossiers à l'aune de la nouvelle situation», en particulier pour François-Marie Banier, espèrent les avocats. «Le ministère public n'est pas aveugle et sourd. Il tiendra compte des efforts» des uns et des autres, estime Didier Martin.
Et la mise sous tutelle de Liliane Bettencourt?
Refusée par le parquet et une première fois par le juge des tutelles faute de certificat médical, une nouvelle demande de placement sous tutelle de Liliane Bettencourt déposée par Françoise Meyers a été jugée recevable le 17 novembre. Elle est aux mains d'un juge de Courbevoie (Hauts-de-Seine). La procédure va suivre son cours, même si Françoise Meyers renonce à sa demande. Les deux parties font valoir que l'accord entre la fille et la mère atteste en lui-même du fait qu'une tutelle n'est plus nécessaire.
Et L'Oréal dans tout ça?
L'accord se traduit notamment par une volonté «d'expression collective» de la famille au sein du groupe de cosmétiques et la «montée en puissance des générations futures», selon les deux avocats ayant oeuvré au rapprochement. Liliane Bettencourt reste présidente du conseil de surveillance de la holding Thethys, qui représente la famille Bettencourt dans L'Oréal et les deux petits-enfants de l'héritière entrent au conseil de surveillance, dont Jean-Pierre Meyers, le mari de Françoise Bettencourt, devient directeur général.
Quels rapports entre la mère et la fille maintenant?
Les deux femmes n'ont pas voulu mettre en scène leur rapprochement, mais celui-ci se concrétisera dans leur implication commune dans la fondation Bettencourt (projets médicaux, culturels et humanitaires).«Françoise retrouve sa mère libre de toute entrave, ce qu'elle a toujours souhaité et ce qui est maintenant le cas aujourd'hui», a déclaré Olivier Metzner. Les deux femmes se sont vues ou se verront ce lundi, selon leurs avocats. «La décision que Françoise et moi avons prise est pour moi source d'espérance. Elle correspond à mon souhait de voir la famille réunie», affirme de son côté Liliane Bettencourt. «Cette entente nous fait enfin retrouver l'harmonie familiale, partagée tout autant par mon mari et nos enfants que par ma mère», souligne pour sa part sa fille. Elles précisent qu'elles ne feront pas de commentaires supplémentaires sur l'affaire et «souhaitent désormais vivre en toute sérénité». Happy end, donc?