Wikileaks: La diplomatie américaine très embarrassée
TERRORISME•Les petites phrases des diplomates américains en question...C.C. avec Reuters
Nicolas Sarkozy? Une «personnalité susceptible et autoritaire». Silvio Berlusconi? Un «dirigeant incapable et inefficace». Angela Merkel? Une «dirigeante qui évite de prendre de risques et manque souvent d'imagination». Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev? Des équivalents de Batman et Robin. Ces qualifications crues et ironiques proviennent des câbles d'une partie des 250.000 documents documents du département d'Etat américain qu'a communiqué à cinq grands journaux mondiaux le site WikiLeaks, et qui jettent une lumière crue sur les coulisses de la diplomatie américaine.
Malgré les mises en garde de l'administration américaine, Le Monde en France, le New York Times, le Guardian en Angleterre, El Pais en Espagne et Der Spiegel en Allemagne ont fait de premières révélations embarrassantes.
Les diplomates étrangers surveillés de près
Selon le journal français, certaines directives adressées aux ambassades montrent qu'il est demandé aux diplomates américains de se procurer les données personnelles et même l'ADN de divers diplomates et dignitaires étrangers, dirigeants de l'Onu, militants d'ONG, à des fins de renseignement.
Un mémo adressé a l'ambassade des Etats-Unis à l'Onu à New York demande que soient fournis «listes d'emails, mot de passe internet et intranet, numéros de cartes de crédit, numéros de cartes de fidélité de compagnies aériennes, horaires de travail».
Al-Qaida financé par des donateurs saoudiens
Il est également demandé aux diplomates américains dans tous les mémos, selon Le Monde, de fournir «toute information biographique ou biométrique» sur les collègues des pays du Conseil de sécurité, c'est-à-dire «empreintes digitales, photographies faciales, ADN et scanners de l'iris».
D'autres documents montrent que des donateurs saoudiens restent les principaux financiers d'organisations radicales comme Al-Qaida, ou encore que des agents du gouvernement chinois ont mené une opération coordonnée d'attaques informatiques visant les Etats-Unis et leurs alliés.
«Couper la tête du serpent» iranien
Dans une communication confidentielle entre Washington et l'ambassade des Etats-Unis à Ryad, on apprend aussi que le roi Abdallah d'Arabie saoudite a plusieurs fois exhorté Washington à lancer des frappes contre le programme nucléaire de l'Iran afin de «couper la tête du serpent».
On y lit également que le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, lors d'une rencontre avec le ministre de la Défense français Hervé Morin en février 2010, a dit justement penser que des frappes militaires à l'encontre de l'Iran ne feraient que retarder d'un à trois ans sa quête de l'arme atomique.
Un changement de régime en Iran fomenté par Israël?
Les télégrammes diplomatiques publiés par Le Monde révèlent qu'Israël fait également pression sur Washington pour durcir la politique vis-à-vis de Téhéran. «Le gouvernement décrit l'année 2010 comme une année critique. Si les Iraniens continuent de protéger et consolider leurs sites nucléaires, il sera plus difficile de les viser et les endommager», dit un document américain du 18 novembre 2009.
Des armes américaines sophistiquées capables de percer des bunkers ont donc été livrées à Israël en mai 2010, apprend-on. Les services secrets israéliens et le chef du Mossad, Meir Dagan, exposent selon un document plusieurs options en 2007, notamment celle de fomenter un changement de régime à Téhéran «si possible avec le soutien de mouvements étudiants démocrates et de groupes ethniques, Azéris, Kurdes, Baloutches, opposés au régime en place». Cité par le New York Times, un message révèle que l'Iran a acquis auprès de la Corée du Nord des missiles de technologie avancée lui permettant d'atteindre l'Europe occidentale.
Le Monde a justifié la publication. «Ces documents, même illégalement transmis à Wikileaks, risquant à tout moment de tomber dans le domaine public, le quotidien a considéré qu'il relevait de sa mission d'en prendre connaissance, d'en faire une analyse journalistique et de la mettre à la disposition de ses lecteurs», dit un communiqué du journal. Il précise que des noms ont été occultés pour protéger les personnes. D'autres publications, notamment concernant la France, sont annoncées ces prochains jours par le quotidien.
Le soldat Manning en question
Le Monde précise qu'il a pu étudier avec les autres journaux 251.287 documents diplomatiques, portant à 90% sur la période 2004-2010, dont 16.652 classés secret et 101.748 classés confidentiel. Aucun document «top secret» ne figure dans le lot.
L'origine de cette fuite massive, qui survient après la divulgation de notes militaires confidentielles américaines sur l'Irak et l'Afghanistan, n'est pas officiellement connue. Mais les soupçons des autorités américaines se concentrent sur le soldat Bradley Manning, ancien analyste de données pour l'armée américaine en Irak, qui est en détention.