Des hommes de Dieu remémorés avec grâce
CHOC•Le film de Xavier Beauvois, primé à Cannes, évoque avec pudeur la vie des moines de Tibéhirine...Caroline Vié
Les moines de Tibéhirine avant le martyre. Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois s'attache à décrire la vie de ces hommes d'Eglise à l'intérieur comme à l'extérieur de leur monastère de Kabylie, en Algérie. Les jours se suivent et se ressemblent dans ce film qui a reçu cette année le grand prix du jury du Festival de Cannes.
Devant la puissance hypnotique de rituels et de chants magnifiques, dont la répétition fait naître une forme de paix intérieure, on pense à la sobriété du cinéma japonais. La paix n'est pourtant guère à l'ordre du jour. Tiraillés entre l'armée régulière prête à assurer leur sécurité manu militari et les extrémistes armés, les moines doivent faire le point sur leur engagement religieux et humain.
Des émotions d'une grande pureté
Une séquence de repas où ces hommes écoutent Le Lac des cygnes de Tchaïkovski engendre des émotions d'une intense pureté. L'amour fraternel et la force d'un engagement au péril de sa vie ont rarement été montrés avec une telle simplicité au cinéma. Pas besoin d'être croyant pour partager ce moment de grâce. Ce que saisit Xavier Beauvois tient davantage de l'humain que du divin.
Le choix judicieux de ne pas montrer le décès des religieux comme de ne pas insister sur les détails de leur enlèvement permet au réalisateur du Petit Lieutenant de ne pas succomber au mélodrame. Acteurs éblouissants (Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin…) et mise en scène épurée ne laissent ainsi aucune place à l'esbroufe. A la fois rigoureux et accessible, Des hommes et des dieux fait partager pendant deux heures les joies simples, les doutes poignants et les décisions douloureuses d'une poignée d'hommes. Le film renvoie le spectateur à ses propres interrogations, faisant de chacun de nous un de ces moines.