LITTERATUREHouellebecq a-t-il «plagié» Wikipédia?

Houellebecq a-t-il «plagié» Wikipédia?

LITTERATUREHélène Maurel-Indart, auteur de plusieurs ouvrages sur le plagiat, revient sur cette notion controversée...
Propos receuillis par Charlotte Pudlowski

Propos receuillis par Charlotte Pudlowski

Tout est parti de l’article de slate.fr, titré «Michel Houellebecq, la possibilité d’un plagiat», qui a enflammé le Web, puis la presse papier, puis atteint la presse internationale (au moins espagnole et britannique). L’auteur de l'article n'employait pas ce terme comme une accusation, plutôt comme un constat, assorti de l’idée que c’était un procédé collant assez bien avec la démarche de l’écrivain. Mais seul est resté le mot de plagiat, que l’auteur de «La Carte et le Territoire» a pris comme une accusation ridicule et infondée. Hélène Maurel-Indart, auteur de plusieurs ouvrages sur le plagiat, est revenu sur cette notion pour 20minutes.fr.

Parler de plagiat, est-ce forcément parler d’un délit?
Le plagiat n’est pas un terme juridique du tout; le terme juridique, c’est la contrefaçon, qui elle est un délit. Le plagiat relève de la critique littéraire. Ce n’est pas un genre littéraire comme le sont le pastiche, la parodie ou le pamphlet, mais cela relève de la critique, qui se situe entre l’emprunt créatif et l’emprunt servile. L’emprunt créatif nourrit les grandes œuvres, qui fait que l’on n’écrit rien de nouveau, mais que l’on réutilise d’une autre manière, avec une autre vision. Et l’emprunt servile, c’est du recopiage à la lettre ou du démarquage très habile, mais sans plus-value.

Est-il naturel que Houellebecq le prenne comme une insulte, ou aurait-il pu s’agir de simplement remarquer le procédé littéraire qu’il utilise?
Il n’a pas tout à fait tort de le prendre comme une insulte, c’est connoté négativement. Traiter quelqu’un de plagiaire, c’est ne pas lui reconnaître une créativité.

Lorsque l’on parle de Borges ou de Perec comme ayant eu recours au plagiat, est-ce donc à tort?
Ce sont souvent ceux qui veulent excuser leurs propres plagiats qui évoquent Borges et Perec comme des plagiaires. Ce qu’ils font en réalité, c’est de l’intertextualité. Borges par exemple écrit à partir de la bibliothèque universelle, parce qu’il est très cultivé, et il en fait quelque chose. Avec La Vie Mode d’emploi, Perec a effectivement écrit un roman nourri de citations, parfois avec des guillemets, parfois sans. C’est un véritable jeu de complicité avec le lecteur parce qu’il donne de fausses pistes: on cherche et on ne trouve pas, ou il y a des extraits qu’il se garde bien d’indiquer. A la fin, en annexe, il donne toute une liste de citations, indique des sources.

Qu’est-ce qui différencie l’intertextualité du plagiat?
L’intertextualité est un procédé d’écriture. La présence dans un texte d’autres textes. Il ne faut pas que les textes insérés soient trop longs; qu’ils soient insérés dans un contexte qui renouvelle leur sens, qu’ils leur redonnent une valeur intrinsèque.

Alors Houellebecq, intertextualité ou plagiat ?
Ce n’est pas du plagiat. A une époque, l’intertextualité, comme collage, prenait la forme d’allusions très érudites, pour un public qui s’amusait à reconnaître les références. On peut regretter que les allusions soient désormais plus du côté de Wikipédia que des grands auteurs. Mais cela correspond bien à la démarche de Houellebecq, de refléter notre mode de pensée…