Reed Hastings, patron de Netflix: «C’est une tragédie que nous ne puissions pas proposer "House of Cards"»
INTERVIEW•Le patron du service américain de vidéo à la demande sur abonnement, à Paris ce lundi pour son lancement en France, réagit auprès de «20 Minutes» à l’accueil de la plateforme par le public…Anaëlle Grondin
Dans une maison du 7e arrondissement parisien, où il rencontre la presse ce lundi, Reed Hastings est imperturbable. Malgré des premières critiques sévères , le patron de Netflix reste convaincu que le service de vidéos en streaming aura beaucoup de succès en France. Entretien.
Avez-vous regardé ce matin les commentaires des Français sur Internet à propos de Netflix?
Oui, le volume de messages est incroyable sur Twitter aujourd’hui. Les gens sont excités au sujet de ce lancement et à l’idée de découvrir ce qu’il y a dans le catalogue.
Mais beaucoup de personnes sont déçues de ne pas avoir des séries comme «House of cards» et «Game of Thrones» sur Netflix France. N’est-ce pas un frein?
C’est une tragédie que nous ne puissions pas proposer "House of Cards", parce que c’est diffusé sur Canal+. Quand nous avons lancé la série, nous n’avions pas les moyens ne nous offrir les droits de diffusion français. Mais au moins maintenant, quand les gens regardent la série sur Canal+ ils pensent que les créations originales de Netflix sont vraiment bien. Et pour avoir accès à nos autres séries, ils viendront chez nous.
Du côté du cinéma français, il y a beaucoup de films d’auteurs et très peu de comédies à succès, par exemple…
A mesure que nous aurons des utilisateurs ici, nous allons être attentifs à ce qu’ils aiment regarder. Cela nous permettra de proposer certaines choses que nous n’avons pas et de mettre de côté des contenus qui ne plaisent pas. L’offre va s’élargir. Sur Internet, les gens s’attendent à ce que les plateformes aient tout, proposent une offre exhaustive, comme Deezer et Spotify pour la musique et Amazon pour les livres. Mais les droits télé sont exclusifs. Comme HBO ou CanalPlay, nous offrons une partie des films et séries. Si OCS ou Canal+ a une série, ils bloquent Netflix. C’est comme pour les droits sportifs. Ceux qui paient le plus ont les programmes.
Vous avez fini par trouver un accord avec Bouygues pour proposer Netflix sur sa box télé. Vous pensez que cela va faire plier rapidement les autres opérateurs?
Nous espérons que cela leur mettra la pression. Nous allons aider Bouygues à s’étendre encore plus pour faire céder les autres.
Selon Médiamétrie, 76% des Français ne connaissaient pas Netflix cet été. Est-ce que vous allez mettre en place des campagnes publicitaires ou allez-vous vous reposer sur la couverture médiatique?
Nous allons beaucoup investir dans la publicité pour les deux mois à venir. A la télévision et sur Internet principalement, aussi un peu dans la presse écrite et en extérieur.
Seulement 1% des internautes français utilisent déjà un service de vidéo à la demande sur abonnement. Vous pensez que Netflix va faire évoluer les usages ici?
Lentement, oui. Pas en un mois. Généralement, ça décolle doucement la première année. Les gens se font à l’idée, puis il y a le bouche-à-oreille. Ensuite ça s’accélère. Peut-être dans deux ou trois ans.
Vous avez beaucoup discuté avec le gouvernement. Qui a fait le premier pas?
Notre première rencontre remonte à très longtemps, je ne m’en souviens plus. Mais dimanche, la nouvelle ministre de la Culture Fleur Pellerin nous a demandé de venir la voir au ministère. Elle nous a dit que nous devions faire d’autres séries comme «Marseille», qu’une seule n’était pas suffisante. Nous lui avons répondu que nous allions regarder et y penser.
Vous avez déjà des idées d’autres créations originales pour la France?
Pour l’heure on se concentre sur «Marseille» pour en faire un succès. Une fois que ce sera lancé, nous allons commencer à réfléchir à d’autres séries. Nous préférons faire quelques fictions de très bonne qualité plutôt que plusieurs à la fois.