C’est en travaillant pour un documentaire sur les grands brûlés que Samuel Bollendorf et Olivia Colo rencontrent un cas d’immolation par le feu. L’Observatoire des suicides n’ayant été créé qu’en septembre 2013, aucune statistique concernant ces tentatives brutales et spectaculaires de mettre fin à ses jours n’a été récoltée. En recensant les cas depuis 2011, les journalistes parviennent à mettre au jour un chiffre terrible: tous les quinze jours en moyenne en France, une personne s’immole par le feu.

«Ce n’est pas un suicide comme les autres»

«Ce n’est pas un suicide comme les autres, raconte le photojournaliste Samuel Bollendorff. Cet acte est souvent traité comme un fait divers. On met en avant la fragilité psychologique de la personne, sans considérer l’acte de contestation.» Car nombre de ces suicides ont lieu devant établissements de service public (CAF, impôts…) ou dans des entreprises nationalisées qui ont été privatisées.

Une dimension politique

«Quand on s’immole par le feu en Tunisie ou au Tibet, on note la dimension politique de l’acte, mais pas en France», regrette le journaliste, qui constate «la violence de la chappe de plomb» lorsque l’entreprise ne reconnaît pas le message. Pourtant, «c’est toujours pour pointer le lieu symbolique d’une institution et son dysfonctionnement». L’an dernier, en février, c’est ainsi qu’un chômeur en fin de droits d’indemnisation s’était immolé par le feu devant une agence Pôle Emploi à Nantes.

«Le parcourir à son rythme»

En portant leur attention sur sept cas d’immolation et en rencontrant collègues et familles, Samuel Bollendorf et Olivia Colo racontent Le Grand Incendie qui couve en France. Le format du webdocumentaire s’est imposé pour plusieurs raisons. «D’abord, cela nous permettait de ne pas montrer les choses, comme un format télé classique. Ici, l’interface est pudique. C’est également un sujet difficile, l’internaute peut donc le parcourir à son rythme.»

«Le Grand incendie répond à tous les critères du webdocumentaire. L’utilisation des images et de la vidéo, la mise en avant innovante de l’audio et de l’élément Web, servent l’histoire et non l’inverse», explique Olivier Laurent, président du jury de la 6e édition du Visa d’Or France 24-RFI du documentaire, cité dans un communiqué. Le jury a également attribué une mention spéciale à «Fort McMoney», jeu interactif qui permet aux internautes de décider du destin de la ville canadienne de Fort McMurray.