HISTOIREDébarquement: Le soldat Gordon va retrouver le Canada, sa patrie d’origine

Débarquement: Le soldat Gordon va retrouver le Canada, sa patrie d’origine

HISTOIRELes ossements d’un soldat canadien, qu’on a cru Allemand pendant 69 ans, vont être remis mardi à sa famille…
William Molinié

William Molinié

Pour son dernier voyage, le soldat Lawrence S. Gordon va traverser l’Atlantique. Les ossements de ce militaire d’origine canadienne, engagé dans l’armée américaine, mais enterré dans le cimetière allemand de Huisne-sur-Mer (Manche) car considéré comme soldat de la Wehrmarcht pendant 69 ans, vont être remis à ses neveux et nièces le 10 juin. Au terme d’un important travail d’historiens, confirmé par des recherches d’identification par ADN.

Tout commence au début des années 2000, lorsque le neveu du soldat Gordon honore la promesse faite à son père, d’aller se recueillir sur la tombe de son frère, tombé sous les balles allemandes le 13 août 1944 près de Carrouges (Orne). Mais une fois arrivé au cimetière américain en Normandie, il se rend compte que son oncle figure parmi les «missing in action». Son corps est porté disparu.

Envoyé au front

De retour au Canada, la famille va se rapprocher d’un historien américain dont le grand-père était, lui aussi, dans la même unité que le soldat de 1ère classe (Private first class, PFC, en Anglais) Gordon. Parallèlement, un historien amateur français, Alexis Boban, se passionne pour le 32e régiment de la 3e division blindée américaine auquel appartient le soldat. Avec le même objectif, remonter jusqu’aux derniers jours du PFC Gordon.

En mettant leurs travaux en commun, ils parviennent à reconstituer une histoire. Né en 1916, engagé dans l’armée américaine mais de nationalité canadienne, le soldat Gordon a été envoyé sur le front après le débarquement de Normandie. Intégré à la compagnie de reconnaissance, il se trouve ce 13 août 1944 au commandement d’un véhicule blindé. «Un tir allemand a touché le réservoir et le véhicule a pris feu», indique à 20 Minutes Alexis Boban, qui s’est entretenu avec le dernier rescapé de l’équipée, aujourd’hui décédé. «Il nous a raconté que les deux occupants de la tonnelle étaient morts sur le coup. Le conducteur, lui, a pu s’extirper et est décédé deux jours plus tard.»

INPS/Police nationale

Technique d’ADN poussée

Enterré dans un premier temps dans un cimetière américain, c’est au cours d’une extraction que les fossoyeurs se rendent compte qu’il est enveloppé dans une vareuse du 3e Reich. Ils le transfèrent alors dans un cimetière allemand, la sépulture numéro 8209 n’ayant pas de plaque d’identité.

>> A lire sur 20 Minutes, l’interview de Frédéric Dupuch, directeur de l’institut national de police scientifique…

Grâce à une technique de recherche poussée d’ADN mitochondrial, à base de poudre d’os, le laboratoire de Marseille de l’Institut national de police scientifique (INPS) a réussi à identifier ce soldat canadien, en comparant son génome à celui de ses neuveux. «Cette affaire était très atypique et en même temps passionnante pour nous. Imaginez, presque 70 ans plus tard, identifier des ossements!», exalte auprès de 20 Minutes Frédéric Dupuch, inspecteur général des services actifs de la Police nationale et directeur de l’INPS.

L’authentification officielle du corps a été annoncée le 25 février dernier par le procureur de Coutances, Renaud Gaudel. Un certificat de constat de décès a même été dressé.